« Territoires nomades » est une histoire d’invitations. Au voyage et à la découverte d’une région pour le visiteur puisque l’exposition est éclatée en trois lieux, un parc, un espace d’art et une galerie, à s’interroger sur la nature pour les artistes qui se rencontrent et s’investissent dans ce projet. Andy Goldsworthy, Christian Lapie, Erik Samakh, Antony Gormley, Joël Shapiro et Jaume Plensa ont en commun de travailler en relation directe avec la nature, leur art s’en nourrit, lui rend hommage ou la fait revivre. Au domaine de L’Abrègement, des œuvres ont été commandées suite à la tempête de décembre 1999 qui avait ravagé la forêt de cette propriété privée, composée de chênes et de séquoias. Christian Lapie (L’Œil n° 543) a produit pour le lieu un ensemble fort et symbolique,
Le Pré de l’entre-deux. Cinquante-huit statues en chêne traité se dressent, silhouettes fantomatiques noires, dans l’ancienne futaie en cours de replantation. Le promeneur marche au milieu de quatre groupes de figures, les troncs coupés en deux marquent le passage d’une forêt à l’autre.
Un travail sur l’espace – les statues sont comme des bornes, des repères –, et sur le temps. Andy Goldsworthy, quant à lui, a produit Pool of light, une installation en châtaignier fendu, vaste rectangle constitué de morceaux de bois non traité incluant un cercle, forme récurrente dans l’œuvre de l’artiste. D’un gris argenté, la pièce semble évoluer sous les effets de lumière et d’ombre du soleil, selon les déplacements de celui qui la regarde. Dans le prolongement de la maison et de cette œuvre se dresse un immense tronc de séquoia (vingt mètres de haut) surmonté d’une sculpture d’Antony Gormley en fonte de fer, symbole de la position de l’homme dans la nature : seul, vulnérable mais qui a pourtant le sentiment de la dominer, d’être invincible. Pour ce parc qui ne sera ouvert au public que durant l’été, Goldsworthy a également construit deux Cœur de chêne, cônes étonnants faits de branches imbriquées, entièrement naturels et tenant sans aucune fixation. Toutes les œuvres qui jalonnent le domaine ont été conçues spécialement pour le lieu, avec pour fil conducteur de créer à partir de ce qui a été détruit. Le visiteur est accompagné dans sa promenade par les Joueurs de flûte d’Erik Samakh, trente flûtes solaires installées dans les arbres qui donnent au parc une atmosphère poétique et musicale.
Dans une scénographie très réussie jouant sur les sons et la lumière – l’intensité de l’éclairage évolue pour symboliser les heures du jour et de la nuit –, c’est toujours de nature qu’il s’agit dans l’exposition de l’espace d’art de Rouillé, au sein du lycée agricole Xavier Bernard. Avec des œuvres moins monumentales. De la passion de Jaume Plensa pour la biologie et l’astronomie est né Constellations, une installation basée sur le voyage et l’incarnation du rêve de tout homme de voler. Elle rassemble, telles des enseignes accrochées au mur, des moulages de poupées et les noms de cinquante constellations. Le spectateur doit se déplacer pour accéder à l’œuvre qui se lit dans le sens inverse de celui de la visite. Sheep painting, la grande toile de Goldsworthy réalisée avec du sel et de la boue, a nécessité l’intervention de moutons qui ont marché dessus et laissé leur trace ; Christian Lapie présente un magnifique travail à l’eau-forte et à l’aquatinte, L’Interminable Errance. Le tout dans une salle bercée par les sons captés par Samakh au cœur d’une forêt brésilienne. Troisième étape de
ce parcours explorant les territoires et les cultures, une exposition de photographies de Goldsworthy sera présentée cet été à Montmorillon, à la galerie L’Empreinte, qui depuis son ouverture en 2002 consacre sa programmation à la photographie contemporaine.
Toutes les œuvres, qu’elles soient installées définitivement à L’Abrègement ou de façon éphémère à Rouillé et Montmorillon, témoignent du lien particulier qui unit ces artistes à la nature et du caractère nomade d’un art contemporain qui a su investir, avec évidence, des lieux inhabituels. Pendant un an, conférences, débats, vidéos, actions dans les établissements scolaires et résidences d’artistes prolongeront ces expositions en proposant des réflexions sur la question du nomadisme.
« Territoires nomades », ROUILLÉ (86), Espace d’art, lycée agricole Xavier Bernard, tél. 05 49 43 62 59, www.rurart.org, 28 mars 2003-30 mars 2004 ; BIOUSSAC (16), L’Abrègement, 1er juillet-31 août ; MONTMORILLON (86), L’Empreinte, 14 place du Vieux Marché, tél. 05 49 83 82 54, 19 juin-31 août.
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Nomades land
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°548 du 1 juin 2003, avec le titre suivant : Nomades land