Art contemporain

PHOTO, VIDÉO

Noémie Goudal, une plongée dans l’espace-temps

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 10 mai 2024 - 517 mots

Recherches scientifiques à l’appui, l’artiste met en scène au Frac Auvergne les métamorphoses du paysage à l’échelle des temps géologiques et cataclysmiques.

Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme). Un relief de parois rocheuses plongées dans l’obscurité la plus totale est balayé à différents endroits par le faisceau lumineux d’une torche dont on devine qu’elle cherche à en identifier les contours et les aspects. Rien n’indique si l’on se trouve à l’intérieur d’une grotte qu’un groupe de spéléologues explore ou face à un massif montagneux au pied duquel affleure l’eau. D’une grande économie de moyens, l’installation vidéo Rocks (2022) de Noémie Goudal (née en 1984), invitée au Frac (Fonds régional d’art contemporain) Auvergne, évoque la plongée d’une partie de la Terre dans l’obscurité il y a 66 millions d’années, à la suite d’une chute d’une météorite, et les premières recherches scientifiques menées sur ce cataclysme à l’origine de la disparition des dinosaures. Dans Démantèlement II (2018), c’est à travers plus d’une centaine d’images noir et blanc que l’artiste raconte, par l’intermédiaire d’une feuille de papier hydrosoluble au tirage, l’érosion sur des millions d’années d’une falaise en bordure de mer au fil d’une suite de photographies courant sur deux murs, tandis que l’absence d’une ou plusieurs images dans cet alignement suggère le manque de connaissances des scientifiques sur une période.

Depuis 2017, l’histoire de la Terre et de ses paysages, des temps les plus anciens à nos jours, engendre chez Noémie Goudal photographies, vidéos et installations. La monographie que signe Laure Forlay, chargée des expositions au Frac, réunit pour la première fois les travaux emblématiques des sept dernières années de création dont la vidéo Inhale, Exhale (2021), d’une durée de huit minutes, qui donne son titre à l’exposition. Dès les premières images, le spectateur est transporté en bordure d’un marécage dans un sous-bois lumineux dont la physionomie est progressivement modifiée par l’action de deux imposants décors de végétaux tropicaux. Ceux-ci émergent lentement et de manière disjointe du marécage, avant de replonger et disparaître tout aussi lentement. Une métamorphose du paysage dont l’artiste, comme pour Démantèlement II, ne dissimule rien du procédé, et qui est digne d’un conte fabuleux.

À partir des travaux scientifiques les plus en pointe, Noémie Goudal sonde les paysages dans leur formation et donne une forme à leur évolution permanente en la réactivant à chaque fois d’une manière différente, tout en questionnant les bouleversements induits par le changement climatique. On se prend au jeu de son art de la prestidigitation, du trompe-l’œil et de la construction de l’image fixe ou animée. En particulier, parmi les pièces inédites coproduites pour l’exposition par le Frac Auvergne avec l’atelier de l’artiste, dans l’installation Hommage à Hector, présentée en fin de parcours [voir ill.].

Dans un dispositif en anamorphose, une succession décalée de lés de tissus reproduit l’image captée d’une vidéo d’un palmier résistant à l’ouragan Irma qui dévasta les Caraïbes en 2017 et que les internautes baptisèrent « Hector ». Au spectateur de rentrer dans l’image après l’avoir reconstituée en se plaçant à l’endroit idoine, puis de naviguer entre les pans de tissus avec, à l’arrière de ce rideau fragmenté, la blancheur insondable des murs.

Noémie Goudal, Inhale Exhale,
jusqu’au 16 juin, Frac Auvergne, 6, rue du Terrail, 63000 Clermont-Ferrand.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°633 du 10 mai 2024, avec le titre suivant : Noémie Goudal, une plongée dans l’espace-temps

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