« Alessandro Algardi, le sculpteur (1598-1654) », première monographie consacrée à cet artiste majeur du XVIIe siècle, inaugure une série de trois grandes expositions consacrées aux maîtres du Baroque (l’Algarde, le Bernin et Borromini) qui se succéderont cette année au Palais des Expositions, à Rome. 47 dessins et 66 sculptures – bustes en matériaux divers, esquisses en terre cuite et petits bronzes – évoquent les multiples aspects de son activité, du portrait aux grandes commandes religieuses, comme à Saint-Pierre.
ROME (de notre correspondant) - Rome est sans doute la seule ville où il est possible de consacrer une rétrospective à l’Algarde. L’essentiel de l’œuvre du sculpteur, hormis le maître-autel de Saint-Paul de Bologne, se trouve en effet dans la cité papale où il a travaillé au service de puissants mécènes, au premier rang desquels figure le pape Innocent X qui le préférait au Bernin. La postérité, comme les autres souverains pontifes de l’époque, semble en revanche lui avoir préféré son rival, aujourd’hui plus facile à intégrer à ces coquilles creuses que sont le classique et le baroque. Classifications créées a posteriori, elles peinent à rendre compte de la spécificité d’une œuvre nourrie aux mêmes sources que celle du Bernin et destinée au même type de commanditaires.
Jennifer Montagu, commissaire de l’exposition et auteur d’une monographie du sculpteur, ne dit pas autre chose : “Si le Bernin était d’un plus grand génie, les œuvres de l’Algarde ont leur propre pouvoir de fascination et leur propre beauté. C’est pour cela que nous avons choisi comme sous-titre “L’autre face du Baroque”. L’Algarde n’est pas un artiste classique à proprement parler, mais il n’est pas non plus baroque au sens où l’est le Bernin : il est plus sobre et traditionnel, moins inventif, mais d’une grâce supérieure. Il regarde vers Bologne, vers les Carrache (surtout Ludovico), et Guido Reni. Malvasia l’a même surnommé “le nouveau Guide du marbre”, car il possédait le même lyrisme que Reni, la même manière d’utiliser la lumière, de la capturer dans le bronze, y compris dans les œuvres monumentales, comme la statue d’Innocent X au Palais des Conservateurs. Dans ce cas précis, il lance un véritable défi au Bernin, dont le portrait d’Urbain VIII n’est pas des plus réussis.”
Le goût de l’antique
Jusqu’au 30 avril, seront présentées 113 œuvres, dont 47 dessins et 66 sculptures allant des bustes en matériaux divers aux esquisses en terre cuite et aux petits bronzes. Ces derniers sont particulièrement importants parce que l’Algarde fut quasiment l’unique artiste romain de cette époque spécialisé dans les petits bronzes, qu’il concevait comme des œuvres à part entière. Bien que les œuvres de jeunesse soient peu nombreuses et le plus souvent intransportables, l’exposition s’efforce de retracer l’ensemble de sa carrière. Le parcours débute avec le Porteur de flambeau Ludovisi, une sculpture romaine restaurée pour le cardinal Ludovico Ludovisi, qui avait fait venir l’Algarde à Rome en 1625. André Félibien, critique d’art et zélateur de Poussin, a décrit le peintre français et le sculpteur bolonais unis dans un même amour du classicisme, se promenant dans la ville et dessinant des monuments antiques. Il devait s’attacher à retrouver dans ses œuvres la noblesse et la grandeur de l’art antique.
L’exposition passe en revue toutes les réalisations majeures de l’Algarde à travers des modèles, des esquisses et des dessins. Pour le retable de marbre de Saint-Pierre figurant la Rencontre entre Léon Ier et Attila sont venues de Vienne une réplique en bronze doré d’Ercole Ferrata, de Florence une esquisse en terre cuite antérieure à la version finale de l’œuvre, et de Pesaro une figure d’Attila. Du monument de Léon XI, également à Saint-Pierre, l’Académie de Saint Luc a prêté le grand relief en terre cuite du sarcophage ; du pavillon Pamphilj sont présentés des dessins des stucs. Le point fort est incontestablement le crucifix polychrome en argile de la chapelle du Governatorato au Vatican, encore jamais exposé – une version similaire, en bronze, se trouve dans l’église des Saints Victor et Charles, à Gênes. D’un grand intérêt également, la célèbre table des Chevaliers de Malte exécutée pour le prince Marc Antoine Borghèse, ou encore la Madeleine en bronze doré de Saint-Maximin, en Provence, normalement placée sur le reliquaire en porphyre de la sainte. La confrontation des différents bustes en marbre, bronze et terre cuite (Innocent X, Antonio Cerri, Laudivio Zacchia...) devrait être riche d’enseignements pour les spécialistes. Le parcours comprend également un certain nombre d’œuvres posthumes, comme les deux saints de l’église du Gesù, invisibles depuis des années, réalisés sur les modèles de l’Algarde probablement par Domenico Guidi, et deux des douze bustes de saints de la chapelle du Crucifix de Gênes (Victor et Charles). Signalons enfin que le pavillon du Belrespiro, à la Villa Pamphilj, sera ouvert pour l’occasion.
Jusqu’au 30 avril, Palais des Expositions, 194 via Nazionale, Rome, tél. 39 06 474 59 03, tlj sauf mardi 10h-21h. Catalogue, éd. De Luca.
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Ni classique ni baroque
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°75 du 22 janvier 1999, avec le titre suivant : Ni classique ni baroque