État d’Afrique occidentale ayant pour voisins la Côte d’Ivoire, le Burkina-Faso et le Togo, baigné au sud par le golfe de Guinée, le Ghana est à l’honneur au Musée Dapper, à Paris. Celui-ci a réuni quantité d’objets – armes cérémonielles, réceptacles, cannes, sièges, insignes, poids à peser l’or, terres cuites funéraires, sculptures, parures et bijoux – qui évoquent les modes de vie et les croyances du pays. Outre ces vestiges du patrimoine ghanéen, la commissaire a eu la riche idée d’exposer des œuvres d’artistes vivants.
PARIS - Appelé jusqu’au XIXe siècle la Gold Coast (“Côte-de-l’Or”), car l’or occupait une place centrale dans les transactions commerciales, le Ghana est réputé pour sa pratique de la fonte à la cire perdue. Comme le montrent les divers objets réunis à la Fondation Dapper, à Paris, l’or, mais aussi le cuivre et le bronze, étaient utilisés pour fabriquer et décorer nombre de pièces. Consciente que le patrimoine du Ghana ne se borne pas à la seule exploitation de ces métaux précieux, la commissaire de l’exposition et directrice du musée, Christiane Falgayrettes-Leveau, a pris l’initiative de présenter également les travaux d’artistes contemporains. Les visiteurs peuvent ainsi découvrir Ato Delaquis, qui aime à représenter la foule, Owusu-Ankomah et ses peintures sur le mouvement, Almighty God, dont les tableaux sont hantés de personnages démoniaques, ou encore Samuel Kane Kwei, auteur d’incroyables “cerceuils fantaisie” empruntant les formes d’un oignon ou d’un crabe. Ce type de sépulture fait fureur au Ghana ; il a été imaginé en réponse aux Anglais, qui obligèrent les Ghanéens à adopter le cerceuil en bois européen, et se prête parfaitement à l’élévation dans les airs pratiquée lors des funérailles traditionnelles. Il montre aussi combien l’art africain ne se réduit pas à de “beaux objets”, mais se trouve intimement lié à l’histoire de différents peuples, à leur organisation sociale et politique, leurs pensées et croyances. Le parcours met ainsi en exergue un pan moins connu de la culture ghanéenne : d’impressionnantes sculptures appelées mma, nsanie ou abodiaba, élaborées par les Akan – ce terme englobe plusieurs populations du Ghana qui parlent le twi et reconnaissent la filiation matrilinéaire.
Puiser dans les pouvoirs des ancêtres
Les Akan avaient pour usage de fabriquer des statues en terre cuite qu’ils utilisaient au cours de rituels funéraires. Quarante jours après la mort d’une personne de haut rang, son effigie, accompagnée des représentations plus petites de ses proches, était déposée dans un site particulier aux abords de la ville. La personne décédée rejoignait alors ses prédécesseurs. Le soin particulier apporté par la scénographie à l’éclairage de ces sculptures d’argile accentue leur caractère sacré : plongés dans une semi-obscurité, les visages sont auréolés d’un halo de lumière et projettent leurs ombres sur les murs. Chaque sous-groupe akan possédant son identité culturelle propre, les statues adoptent différents styles. Les figurines kwahu avec leurs têtes plates, leurs surfaces noires et le rendu minimaliste des traits du visage se distinguent nettement des aowin, profondément expressifs. Des trois têtes aowin exposées, l’une arbore un sourire, le sourcil relevé et les lèvres retroussées, l’autre, les yeux clos, paraît rêveuse, et la troisième, les sourcils légèrement froncés, la bouche entrouverte, semble s’interroger. Mais les visages les plus délicats proviennent peut-être de la région de Twifo-Hemang. Il s’agit de têtes rondes et creuses, aux yeux fermés, qui semblent déjà appartenir au monde des morts. Autre objet destiné à accompagner le défunt dans l’Au-delà, le abusua kuruwa, ou “pot de la lignée”, est un récipient spécifique dans lequel étaient placés des cheveux, rognures d’ongles ou quelque élément de valeur. Ces statuettes offraient l’occasion de puiser dans les pouvoirs des ancêtres, de renforcer ses liens spirituels avec les aïeux. Elles étaient utilisées au cours de certaines cérémonies, notamment pour le rite Sora dont la prière de clôture profère : “Voici des cheveux que nous venons de couper / Accepte ces présents et garde-les précieusement ! / Nous en avons fini avec les rites funéraires / Nous venons de terminer le rite Sora / Nous avons refermé le chemin entre la vie et la mort / Tout est terminé.”
Jusqu’au 13 juillet, Musée Dapper, 35 rue Paul-Valéry, 75116 Paris, tél. 01 45 00 01 50, tlj sauf lundi et mardi, 11h-19h. Catalogue, bilingue anglais/français, 424 p., 45 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Mystérieuse Côte-de-l’Or
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°168 du 4 avril 2003, avec le titre suivant : Mystérieuse Côte-de-l’Or