Art contemporain

XXE SIÈCLE / VISITE GUIDÉE

Myriam Mihindou, l’art de faire parler la matière

Par Éva Hameau · Le Journal des Arts

Le 27 mars 2025 - 458 mots

Après le Palais de Tokyo, c’est au tour du Crac Occitanie d’accueillir la rétrospective « Praesentia » de l’artiste franco-gabonaise.

Sète (Hérault). Présence, puissance, protection. En un mot : « Praesentia ». C’est le titre que Daria de Beauvais et Marie Cozette ont très justement choisi pour la rétrospective consacrée à Myriam Mihindou à Paris puis à Sète. Présentée au Palais de Tokyo, il y a quelques mois, l’exposition est actuellement visible au Centre régional d’art contemporain (Crac) Occitanie avec un nombre d’œuvres, revu à la hausse. La scénographie de l’exposition sétoise, différente de la parisienne, parvient davantage à souligner la virtuosité de la plasticienne : toute la force de Mihindou réside dans sa capacité à délivrer des messages poignants immédiatement perceptibles dans la forme et la matière mêmes de ses œuvres.

Les différentes salles démontrent la capacité de l’artiste à tisser des métaphores visuelles saisissantes. Algues géantes II se déploie sur un mur de la première salle tel un organisme vivant. Inspirée du fonctionnement des mangroves, l’œuvre est agencée comme un écosystème : son équilibre repose sur l’interaction entre la source (les racines de palétuviers et la plume au cœur de la composition) et les phrases tissées au cuivre. Cet écosystème est celui de la diaspora africaine, déracinée de son foyer mais reliée spirituellement à ses origines.

Plus loin, la performance filmée La robe envolée est diffusée dans une pièce plongée dans l’obscurité. Une voix off file la métaphore de la mue du papillon et accompagne l’artiste dans sa métamorphose : elle déchire ses collants pour se défaire de sa « chair sociale », celle qui pèse douloureusement sur le corps des femmes. Mihindou se révèle être une poétesse et une performeuse de talent, parvenant à captiver son auditoire par la force de ses mots et la répétition de ses gestes.

L’exposition sétoise atteint son apogée dans l’avant-dernière salle, consacrée à la série des Langues secouées (voir ill.). La mise en espace, réalisée par l’artiste elle-même, révèle son incroyable maîtrise du cuivre. Des nébuleuses de mots s’étendent sur les quatre murs sans que rien ne soit laissé au hasard : l’association des termes repose sur une logique thématique. Certains mots semblent avoir bénéficié d’une attention toute particulière. « Exotisme », « dissociation », « anaesthesia » et « assujetti » sont tant de mots qui traduisent des blessures individuelles et collectives et dont l’artiste tente d’exorciser la violence intrinsèque. La plupart de ces mots tressés n’ont jusqu’à présent été montrés qu’au Transpalette de Bourges en 2021. Cette installation est sans aucun doute l’œuvre maîtresse de la rétrospective du Crac.

« Praesentia » au Crac Occitanie vaut clairement le détour, tant pour les curieux que pour les convaincus qui ont eu l’occasion de visiter l’exposition du Palais de Tokyo. Des séries de photographies rarement montrées, telles que Division plastique et Déchoukaj’, complètent heureusement l’exposition.

Praesentia,
jusqu’au 4 mai, Crac Occitanie, 26, quai Aspirant Herber, 34200 Sète.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°652 du 28 mars 2025, avec le titre suivant : Myriam Mihindou, l’art de faire parler la matière

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque

GESTION DES COOKIES