Dans l’histoire de la peinture moderne, peu d’artistes sont aussi indissociables de leur cité d’accueil que Zoran Music et Venise.
Le Palazzo Fortuny rend un hommage tout en délicatesse à cette figure de la cité. Dans l’intimité du palais se dévoilent dessins, huiles sur toile, fresques et tapisseries. Loin de la rétrospective conventionnelle, la commissaire de l’exposition, Daniela Ferretti, a choisi de prendre comme point central de l’accrochage une œuvre méconnue de Music, encore en mains privées : LaChambre de Zurich. C’est alors une histoire de rencontres qui s’écrit sur les cimaises. La rencontre d’un homme et d’une ville, celle surtout de commanditaires et d’un artiste. Admirateur de la Sérénissime, Music y installe son atelier dans les années 1950, fuyant les souvenirs de la barbarie nazie. Pour lui, Venise représente la quintessence de l’art de l’Europe occidentale, lui qui est né en 1909 à Gorizia, à la frontière slovène. Il se lie à la famille Cadorin, ancienne famille de peintres officiels vénitiens, dont il épousera l’une des descendantes, Ida. C’est aussi par l’intermédiaire des Cadorin qu’il rencontre en 1949 les sœurs Charlotte et Nelly Dornacher. Tombées sous le charme de son atelier du Palazzo Pisani, orné de fresques de l’artiste, elles décident de lui commander la décoration d’une petite pièce de réception dans la cave de leur maison de Zurich. L’idée était de créer une ambiance de taverne parisienne. Music y déploie un programme iconographique célébrant sa ville d’adoption, mais aussi des thématiques qui lui sont chères : les montagnes et les chevaux. Tout autour de cette reconstitution, les œuvres exposées viennent étayer ces thématiques. Le corpus d’œuvres présenté, recentré autour des années 1940 et 1950, pointe de façon sous-jacente le changement subtil de style chez Music, marqué par la guerre et sa déportation à Dachau.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°716 du 1 octobre 2018, avec le titre suivant : Music, partition zurichoise à Venise