Peintre de la tragédie existentielle, Edvard Munch fut aussi celui qui expérimenta sans relâche de nouvelles techniques et anticipa les questionnements artistiques du xxe siècle.
Le Cri, La Peur, La Madone, Vampire… de Munch (1863-1944) demeurent surtout ces grands et douloureux poèmes picturaux structurés par le peintre en une ambitieuse Frise de la vie et essentiellement exécutés dans les années 1890. De lui encore, on aura retenu l’enfant de Christiania, le fils de médecin militaire à l’enfance éprouvante endeuillée par la mort prématurée de la mère et d’une sœur et la profonde mélancolie d’une autre.
Le parcours chronologique esquissé à la fondation Beyeler par Dieter Buchart évoque ce Munch-là, effroyablement dépressif, celui qui quinze ans avant les expressionnistes peignit l’angoisse existentielle de l’homme moderne, meurtrit la peinture et appliqua sans détour les tourments de l’âme en couches mouvementées et butées sur la toile. « Peindre ma propre vie », martèle le peintre. Privilégier la vision intérieure plutôt qu’une transcription rétinienne du sujet.
Le temps dans la peinture
Des reliquats naturalistes des débuts aux ultimes et fragmentaires autoportraits du vieux peintre, le parcours de l’exposition signale les emprunts faits à la touche impressionniste, au symbolisme français, à la couleur pure des fauves comme au mysticisme nordique. Il relève surtout la profonde indépendance d’un peintre fiévreusement occupé à expérimenter la peinture et à en découdre physiquement avec la matière.
Mais l’exposition dit plus. Mieux, elle s’offre le luxe de corriger le discours habituel pour dire un itinéraire couronné de succès et une œuvre absorbant avant tout le temps dans le processus même de création.
On découvre alors un Munch inspiré par la photographie, intrigué par le cinéma, un homme hanté sans faiblir par une petite poignée de souvenirs, sans cesse repris, courant d’une toile l’autre, d’un médium l’autre, en couches épaisses ou grattées, en contours onctueux, en ombres transparentes ou en fragments brumeux, jusqu’à la dissolution du motif. Combien de cris ? D’autoportraits ? D’enfants malades ? De couples enlacés en front de mer ?
La sérialité et le temps font désormais partie du processus de création, comme le révèle l’exceptionnel corpus de gravures par lesquelles Munch expérimente avec une acuité audacieuse cette transformation constante des images en sujet même de son œuvre.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Munch, sa vie, son œuvre enfin dépoussiérés
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°591 du 1 mai 2007, avec le titre suivant : Munch, sa vie, son œuvre enfin dépoussiérés