Montrer un « plus »

Feininger fils, photographe

Le Journal des Arts

Le 27 mars 1998 - 553 mots

Bien qu’ayant travaillé vingt ans pour Life, Andreas Feininger fait partie de ces photographes dont les images sont plus connues du grand public que leur auteur. Aujourd’hui, il ne photographie plus et consacre son temps à classer ses archives. Il a sélectionné 213 images pour une rétrospective.

BERLIN - Né à Paris en 1906, fils du peintre allemand émigré Lyonel Feininger qui, bien que né aux États-Unis, est finalement retourné vivre en Allemagne, Andreas Feininger partage son enfance entre sa patrie adoptive (les États-Unis) et l’Allemagne. Il suit des cours d’ébénisterie au Bauhaus, où son père est professeur, avant d’aller étudier l’architecture à Weimar et à Zerbst. En 1932, il part travailler en France avec Le Corbusier puis, de 1933 à 1939, vit à Stockholm où il est photographe d’architecture.

346 missions pour Life
Des années plus tard, Andreas Feininger se découvre une vocation commune avec son père : l’enseignement. Sa carrière de professeur est couronnée par la publication de nombreux ma­nuels, tels Principles of composition in Photography (New York et Londres, 1973 ; Düsseldorf, 1974), Light and Lighting in Pho­tography (New York 1976 ; Düs­seldorf, 1980), ou encore Total Photography (New York, 1982). Au total, trente-deux ouvrages ont été publiés aux États-Unis et traduits en treize langues.
Pourtant, c’est surtout sa longue carrière chez Life, de 1943 à 1962, qui reste dans les mémoires. Il débute sa collaboration après avoir quitté l’Allemagne – il pense alors que c’est pour toujours – et devient l’un des plus célèbres photojournalistes du magazine, apprécié pour sa sincérité. En vingt ans, il effectue 346 missions, mais joue aussi un rôle capital au sein du journal, en prenant part aux grandes décisions éditoriales concernant aussi bien les questions de forme que de fond. Certains des travaux qu’il a exécutés pour Life sont présentés dans l’exposition, notamment ses photographies de détails, alors qu’on aurait pu s’attendre à y retrouver ses panoramas : la Cinquième Avenue à l’heure de pointe, les travaux de réparation du pont de Brooklyn, ou le panorama du grand boom industriel aux États-Unis après la Seconde Guerre mondiale. Ces œuvres viennent s’ajouter aux images du monde marin, en particulier celles des coquillages et des coraux qu’il adorait photographier et sur lesquels il testait l’optique de ses téléobjectifs.

Par choix, Andreas Feininger travaille en noir et blanc . Il est passé maître dans la technique et l’esthétique du gros plan et du plan d’ensemble : “Je m’efforce toujours de montrer dans mes images ce “plus” que le spectateur n’aurait pas vu ou pas pu voir, même en étant confronté dans la réalité au sujet que je photographie”. Il a donné aux images de femmes fatales qu’il a sélectionnées des titres comme Venus Comb Shell ou Interior of a Mussel. Pour ces portraits, il a toujours utilisé la même technique, et les images sont à la fois intimes et complexes. Mais son œuvre peut aussi être empreinte d’ironie : sur les plans rapprochés des panneaux d’affichage de New York, il juxtapose une vieille femme et une rangée d’hommes à une affiche publicitaire vantant les “services privés” rendus par des danseuses aux seins nus.

ANDREAS FEININGER, PHOTOGRAPHIES 1928-1988, jusqu’au 1er juin, Bauhaus - Archiv Museum für Gestal­tung, Klingelhoferstr. 14, Berlin, tél. 49 30 254 00 20. L’exposition circulera ensuite en Allemagne. Catalogue en allemand seulement, 39 et 98 DM.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°57 du 27 mars 1998, avec le titre suivant : Montrer un « plus »

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