Que cherche-t-on lorsqu’on franchit les portes de la Grande Halle de la Villette pour cette exposition d’art créole ? Un partage d’exotisme ?
La manifestation ambitionne, au contraire, de faire tomber les poncifs en révélant un autre visage, plus sombre et plus complexe, de l’identité créole. Louable entreprise que de sortir des images d’Épinal mais seulement voilà, fallait-il parier sur cette scénographie lourde et appuyée, de carton et de tôle ondulée, où des structures ressemblent parfois à des miradors ! Une imitation caricaturale de case créole !
Au cours des sept stations thématiques, aucun distinguo n’est fait entre les artistes et les documents. Pire, l’exposition s’ouvre même sur un abus de confiance avec un film d’animation, certes merveilleusement brutal et critique, de l’artiste afro-américaine Kara Walker. Travaillant sur l’histoire de l’esclavage de son pays bien plus que sur la question de la créolisation, que vient-elle faire dans cette galère ? Et l’histoire continue, sans explications.
Si l’on n’est pas toujours partisan des parcours truffés de cartels et étouffant les œuvres, ici quelques informations sur ces dernières et surtout sur le parcours des artistes nous en auraient certainement plus appris. Le catalogue ne jouera d’ailleurs pas ce rôle. Ainsi, on ne saura rien du délicat dessin de Mathieu Kleyebe Abonnenc, qui délivre ici des gravures guyanaises de leur contenu esclavagiste pour se focaliser sur le paysage. Ce jeune artiste, installé désormais en métropole, est un des talents les plus prometteurs. Mais quid de son parcours ? De l’influence de son identité guyanaise sur sa pratique ? Rien, on n’en saura rien.
Quant au Dominicain Jorge Pineda, exposé à la dernière Biennale de Venise, il livre ici une installation coup-de-poing sur les stéréotypes raciaux. Son œuvre est suffisamment forte pour résister au nivellement du propos général. Mais que dire lorsque l’on tombe nez à nez avec des murs de proverbes créoles ou cinq écrans de recettes de cuisine ? Si l’exposition a d’indéniables qualités – ne ratez pas le film de Marie Binet qui donne son nom à une section, « Noir comment ? », d’une grande pertinence –, elle traite décidément bien mal ses artistes ramenés au rang d’alibi. « Kréyol Factory » est davantage une exposition de société. Certes sans précédent, mais qui appelle désespérément une suite. On ne peut pas en rester là.
« Kréyol Factory », parc de la Villette, Grande Halle de la Villette, Paris XIXe, www.kreyolfactory.com, jusqu’au 5 juillet 2009.
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Mi-figue, mi-raisin pour la Kréyol Factory
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°613 du 1 mai 2009, avec le titre suivant : Mi-figue, mi-raisin pour la Kréyol Factory