Le lauréat du prix Turner 2007 joue les reconstitutions historiques avec l’installation de State Britain, œuvre poignante et monument à la gloire du militantisme.
Qu’il emploie la peinture, la vidéo ou l’installation, Mark Wallinger a toujours témoigné d’un sens certain de l’analyse politique ou sociale. Mais rarement il aura été aussi explicite. Avec State Britain, le quadra relaie la protestation virulente et acharnée de l’activiste pacifique Brian Haw, installé devant le palais de Westminster à Londres de juin 2001 à mai 2006.
Une loi anglaise de 1215 garantissait, jusqu’en 2005, le droit absolu pour tout citoyen britannique de protester librement. Mais, menace terroriste oblige, la Chambre des lords a opté en 2005 pour une révision de ce principe, empêchant la formation de toute manifestation non autorisée à moins d’un kilomètre du siège du Parlement. Haw et son bivouac tentaculaire de quarante mètres furent ainsi délogés par plus de soixante-dix policiers dans la nuit du 23 mai 2006.
Le militantisme de Haw au musée
Wallinger, fasciné par ce campement hétéroclite, l’a reconstitué à l’identique avec l’accord de Brian Haw, désormais autorisé à protester sur une minuscule portion de trottoir de trois mètres sur deux. Cette scène d’expression populaire a depuis été montrée entre janvier et août 2007 à la Tate Britain avant de faire escale au Mac/Val à Vitry, et d’entamer un tour du monde.
Pour Wallinger, qui reste fasciné par l’abnégation de Haw et ne peut détacher ses yeux de certains panneaux protestataires lors de la première présentation en France, cette œuvre a toute sa place en France. Plus qu’une simple protestation contre l’engagement de la Grande-Bretagne dans la guerre en Irak, elle est un monument à la liberté d’expression et aux responsabilités individuelles. Le Mac/Val a d’ailleurs décidé de poursuivre le débat dans son propre accrochage, délivrant ainsi de possibles ramifications. On regrettera seulement l’absence d’autres œuvres de Wallinger qui auraient permis au public néophyte de mieux apprécier son goût pour les études acérées de la « britannité ».
L’artiste est un adepte des métaphores et des symboles parfois ancrés dans le religieux, comme pour le film Au seuil du royaume. Dans un ralenti ourlé du Miserere d’Allegri, des voyageurs foulent le sol anglais au sortir de l’avion, une allégorie de l’immigration et du droit du sol. Quelques clefs de l’univers de Wallinger, nourri d’une croyance solide en la force critique de l’art.
Questions à...
Comment ont réagi les parlementaires britanniques ?
À peu près de la même façon qu’ils ont réagi devant le campement de Brian Haw. Seuls deux ou trois d’entre eux ont été suffisamment courageux pour être vus avec lui. Mais cela n’a pas empêché Brian d’être élu figure politique la plus inspirante de Grande-Bretagne.
Copier, est-ce faire de l’art ?
C’est la restauration fastidieuse de ce moment où les droits garants de la liberté d’expression qui existaient en Grande-Bretagne depuis la signature de la Grande Charte en 1215 ont été jetés aux orties, qui fait art. Cet arrêt sur image est un enregistrement historique de cette perte.
Exposer State Britain en France, cela a-t-il un sens ?
La liberté d’expression et les droits de l’homme ont été au centre des pensées de la société civile pendant des siècles, ils sont aujourd’hui menacés par les islamistes d’un côté et, de l’autre, par les gouvernements libéraux qui jouent sur cette peur pour restreindre nos libertés fondamentales.
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Mark Wallinger pour la liberté d’expression
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Naissance à Chigwell (GB).
1981
Diplôme de la Chelsea School Art de Londres.
1985
Diplômé du Golgsmith’s College de Londres.
1998
Bourse Henry Moore à la British School de Rome.
1999
Exposition
« Mark Wallinger is innocent », Palais des Beaux Arts de Bruxelles.
2000
Exposition « Credo » à
la Tate Gallery de Liverpool.
2007
Mark Wallinger remporte le prix Turner.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°602 du 1 mai 2008, avec le titre suivant : Mark Wallinger pour la liberté d’expression