Mark Brusse, l’esprit de la montagne

« L’esprit, seul, s’il souffle sur la glaise peut sauver l’homme », note Saint-Exupéry en conclusion de Terre des Hommes. Depuis plusieurs années, c’est celui de la montagne qui anime la démarche de Mark Brusse. Non point celui d’une géographie particulière, attachée à une culture précise, mais bien plus cette forme d’esprit, humaniste et universelle, que l’artiste s’est forgée à parcourir le monde, d’un continent à l’autre, d’une civilisation à l’autre, d’un peuple à l’autre. Les étranges figures, tant animales qu’humaines, qui surgissent ici en surface de ses dessins et de ses peintures, qui procèdent là de ses assemblages sculptés, faits d’objets de récupération parfois passés dans le bronze, semblent en effet extraites de contes et légendes d’une culture syncrétiste. Telles qu’on peut les découvrir ici, elles présentent tour à tour des visages stupéfaits, éblouis, sereins et inquiets ; elles sont mises en jeu dans des situations qui les renvoient à l’ordre tantôt d’une passion amoureuse, tantôt d’un impossible dialogue, tantôt d’une attente. Leurs corps volontiers fragmentés, ici émergés de la matière veloutée du pastel, là saisis dans la densité du métal, là encore confrontés à l’immuable du minéral, racontent quelque chose d’un ailleurs dont les mesures du temps et de l’espace appartiennent de toute histoire à toute humanité. Poissons rouges et blancs, têtes effrayées qui tirent leur langue rouge sang, poupées de bronze anonymes bras tendus vers un petit cube doré sur un bloc de granit, figures émergées de l’esprit des eaux, cœurs livrés aux caprices de la nature, l’art de Mark Brusse est proprement fabuleux. Il relève d’ailleurs de la fable.