Histoire de France

Marie de Médicis et les arts

Le Journal des Arts

Le 9 janvier 2004 - 812 mots

À Blois, une exposition tente de mettre en évidence le rôle central joué par la seconde épouse d’Henri IV dans le renouveau artistique français du début du XVIIe siècle.

 Blois - Reprenant les jugements sévères exprimés par Sully et Richelieu dans leurs Mémoires, l’historiographie française n’a jamais été tendre avec Marie de Médicis (1553-1643). Décrite par des générations d’historiens comme dévote, autoritaire, dépensière et intrigante, la seconde épouse d’Henri IV fait cependant depuis quelques années l’objet d’une réhabilitation importante, en particulier sur le plan artistique. « Ne serait-ce qu’à titre de transition féconde entre l’héritage de Fontainebleau et la nouvelle articulation amorcée par Richelieu et Sublet de Noyers en 1637-1642, entre l’État et les arts royaux, le siècle de Marie […] mérite réexamen », souligne Marc Fumaroli dans le catalogue publié par le château de Blois. Cette révision est au cœur de la vaste exposition proposée actuellement dans la préfecture du Loir-et-Cher, laquelle explore à travers plus de 150 pièces (peintures, sculptures, objets d’art, médailles, gravures, livres) les goûts artistiques et le mécénat de la seconde reine florentine de France. Le lieu est des plus appropriés, puisque Marie fut exilée au château de Blois en 1617, et que l’édifice servit de résidence à son fils favori, Gaston d’Orléans. C’est d’ailleurs dans l’aile « Gaston d’Orléans » que débute la rétrospective, servie par une scénographie sobre mais esthétique et par la clarté d’un parcours chronologique en trois volets (« La princesse florentine, 1573-1600 », « La reine de France, 1600-1610 » et « Marie, régente et reine mère, 1610-1631 »).

L’art, un outil politique
Fille du grand-duc de Toscane François Ier et de Jeanne d’Autriche, Marie reçoit à Florence une éducation placée sous le signe des arts. Elle est initiée à la poésie, à la musique et au théâtre, prend des cours de peinture auprès de Jacopo Ligozzi (1599-1627) et fréquente les ateliers de Ludovico Cigoli ou Antonio Tempesta. Elle est en outre le témoin privilégié des recherches artistiques et scientifiques menées par son père. C’est donc une princesse cultivée et aux goûts raffinés qu’épouse Henri IV à l’aube du XVIIe siècle. « Avec Marie et les Italiens, c’était l’expérience brillante de la cour de Toscane et de la curie romaine post-tridentine qui s’étaient transportées à Paris en 1600 », observe Marc Fumaroli. La jeune reine favorise notamment, dans une France marquée par l’austérité calviniste, la peinture colorée d’Ambroise Dubois et de Jacob Bunel. Fers de lance de la seconde école de Fontainebleau, ces artistes de sensibilité maniériste sont tout à fait du goût de la Florentine. Dubois occupe une place de choix dans l’exposition, avec des toiles allégoriques aux couleurs acidulées (L’Art de la peinture et de la sculpture, vers 1610), des compositions historiques inspirées de la Jérusalem délivrée du Tasse, roman favori de la reine, et une Pentecôte (1612-1614) toute en retenue, dont l’équilibre et le classicisme semblent annoncer Poussin, Champaigne ou La Hyre. Réévalué depuis une trentaine d’années, le Blaisois Bunel, considéré par Claude Vignon comme le « plus grand peintre qui fut en Europe », est évoqué par un puissant portrait d’Henri IV en Mars (vers 1605-1606).
La reine appréciait également les peintres flamands, au premier rang desquels Frans Pourbus le Jeune, représenté par un portrait officiel du roi (1612-1613), et bien sûr Rubens, auquel elle commanda la décoration (évoquée par des gravures) de sa nouvelle résidence parisienne, le palais du Luxembourg. Ce chantier marque une nouvelle étape dans le mécénat royal. Désormais régente, Marie multiplie les commandes, et fait de l’art un outil politique. Pour son Cabinet Doré au Luxembourg, elle confie à Ligozzi, Jacopo Da Empoli ou Domenico Passignano un cycle illustrant les relations étroites entre les Médicis et la France. Dispersé lors d’une vente aux enchères en 1993, cet ensemble quelque peu hiératique est pour la première fois réuni à Blois.
La grande ferveur catholique de la reine serait aussi à l’origine du renouveau de la peinture religieuse dans la capitale, attesté par des toiles données à Georges Lallemant (Les Échevins implorant sainte Geneviève), Laurent de La Hyre (La Madeleine méditant devant le Christ mort) ou Quentin Varin, qui fut le maître de Poussin.
L’exposition fait enfin la part belle à la sculpture et aux arts décoratifs, qui connaissent du vivant de la souveraine un épanouissement indéniable. L’art du bronze, mais aussi celui de la médaille, se montrent tout particulièrement inspirés, ainsi qu’en témoignent les créations superbement ciselées de Barthélemy Prieur (Henri IV en Jupiter et Marie de Médicis en Junon), Pierre Franqueville ou Guillaume Dupré.
Un « gouvernement par les arts » dont saura se souvenir, à une tout autre échelle il est vrai, le futur cardinal de Richelieu.

MARIE DE MÉDICIS, UN GOUVERNEMENT PAR LES ARTS

Jusqu’au 28 mars, château de Blois, 41000 Blois, tél. 02 54 90 33 33, tlj 9h-12h30 et 14h-17h30, www.ville-blois.fr. Catalogue édité par Somogy, 263 pages, 200 ill., 39 euros. ISBN 2-85056-710-8.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°184 du 9 janvier 2004, avec le titre suivant : Marie de Médicis et les arts

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