Devenu une référence incontournable, cet artiste belge (1924-1976) a bénéficié ces dernières années d’importantes expositions, à commencer par celle du MoMA à New York et du Reina Sofia à Madrid.
Le MuHKA (Anvers) tente d’apporter sa pierre à l’édifice, prenant appui notamment sur les cinq expositions de Broodthaers à la Wide White Space Gallery, la légendaire galerie anversoise qui vit passer les grands noms de l’avant-garde européenne entre 1966 et 1976. L’idée est de proposer une nouvelle lecture de l’œuvre de Broodthaers, une lecture plus politique. « Nous voulions sortir du discours américain sur la poésie, la philosophie… », souligne Bart De Baere, directeur du musée. L’œuvre de Broodthaers n’est pas engagée politiquement, mais elle n’en demeure pas moins politique au sens large d’une mise en question permanente des relations qui structurent la société et orchestrent le pouvoir. Illustrant un système de planètes dont la Terre noircie par la main de l’artiste, le diptyque Soleil politique (1972), qui a donné son nom à l’exposition, est un merveilleux condensé de la démonstration. Art, pouvoir et poésie sont intimement liés chez cet artiste belge. Divisée en huit chapitres, l’exposition est polarisée par deux grandes installations de 1975. La première, Jardin d’hiver II, s’inscrit dans le prolongement des interrogations liées à l’institution muséale qui irriguent le fameux « Musée d’art moderne, Département des Aigles ». La seconde, tout aussi majeure, Décor : A Conquest, est montrée pour la première fois en Belgique. Nous avions pu la voir chez Pinault à la Punta della Dogana en 2012 avant qu’elle ne soit acquise par la Fondation VAC de Moscou. Imaginée en pleine guerre du Vietnam alors que la société de consommation bat son plein, Broodthaers fait dialoguer guerre et loisir. Il mêle un ensemble d’armes de guerre, avec des objets d’une vie quotidienne ancrée dans le matérialisme. De part et d’autre de ces deux pôles, sculptures, installations, plaques gravées, cartes, films, dessins et documents d’archives nourrissent un parcours dense et stimulant.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Marcel Broodthaers arme son art