Il a tant regardé. Scruté. Assimilé. Pathologiquement. De cette iconophagie maladive. Non pas pétrifiante mais exaltée.
Maniaque. Comme si le nerf du désir était dans le voir, dans le regard, dans ce contact rétinien et obsédé avec le monde. Le voir et le croire. S’y faire puis le faire. Non pas faire comme, mais avec. Et l’Italie, pour Manet, fut un monde, un immense monde. Un continent noir et doré. De formes et de désirs. De vues et de visions.
Cela ne pouvait en être autrement. Il fallait Venise pour revenir sur les heures italiennes de Manet auxquelles l’exégèse préféra longtemps le méridien espagnol. Car si le peintre aima les toréadors et les majas, il révéra les masques et les donne, avec leurs ors brûlants et leurs couleurs troubles. Comme personne, il sut rendre les corps devinés, les énigmes du désir et les intrigues du pouvoir. Tous ces lieux, que l’on dit communs, et que Manet savait italiens. Toute cette Italie, inventée par Titien et Lotto, parcourue à trois reprises, entre 1857 et 1874. Tous ces espaces – balcons et coulisses – et tous ces usages – rideaux et drapés – où l’artifice vaut pour épiphanie de la nature. Commedia dell’arte, sans nul doute.
La libéralité des plus grandes institutions étrangères vaut au palais des Doges d’abriter de nombreux chefs-d’œuvre et d’affiner des comparaisons. Ainsi celle entre une licencieuse Olympia (1863), autorisée pour la première fois à quitter la France, et une inoubliable Vénus d’Urbino (1538). Comparaison rêvée. Familière et pénétrante. Paragone, dit l’italien. Admirable.
Palais des Doges, San Marco 1, Venise (Italie), tél. 39 04 18 52 01 54.
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Manet à l’italienne
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°659 du 1 juillet 2013, avec le titre suivant : Manet à l’italienne