Trois cents œuvres de Man Ray – des photographies bien sûr, mais aussi des peintures, des dessins, des aquarelles et des objets – sont réunies à la Galleria civica d’arte moderna à Turin. Les multiples visages qu’a empruntés le génie de l’artiste sont au cœur de cette rétrospective, qui met particulièrement en valeur ses peintures.
TURIN - "Man Ray affirmait qu’il avait débuté par la peinture et le dessin", rappelle Daniela Palazzoli, commissaire de la rétrospective Man Ray. "Il est l’un des rares artistes de son époque à avoir entrepris des recherches conceptuelles, à la manière de Duchamp, sans jamais renoncer à la peinture. Comme il le déclarait lui-même, Man Ray a su concilier sans états d’âme ses diverses activités : Je peins ce qui ne peut être photographié et je photographie ce qui ne peut être peint."
En s’appuyant sur l’avis de spécialistes tels que Janus ou Arturo Schwarz, Daniela Palazzoli souligne combien cette rétrospective – la première en Italie depuis une vingtaine d’années – souhaite mettre en évidence ce qu’a d’actuel la cohérence profonde de la démarche pluridisciplinaire de l’artiste.
La puissance de son génie protéiforme est d’ailleurs récemment réapparu avec force lors de la vente organisée par Sotheby’s à Londres, les 22 et 23 mars (lire le JdA n° 11 et 14, février et mai) : la dispersion de près de six cents œuvres (photographies, objets, peintures…) a rapporté 4 millions de livres (environ 31 millions de francs).
L’influence de Duchamp
"Man Ray a très vite été reconnu comme un grand photographe et un créateur d’objets, mais on a accordé moins d’importance à sa peinture", estime Daniela Palazzoli. "On a toujours cherché à séparer les diverses facettes de sa personnalité. Aussi, grâce à l’important matériel dont nous avons pu disposer pour cette exposition, avons-nous entrepris de reconstituer son parcours, quels qu’aient été ses centres d’intérêt."
Des œuvres comme L’Homme invisible et Le Paravent, dédié à Paul Éluard, seront exposées parmi les peintures, dessins et aquarelles exécutés entre 1912 et 1976. L’exposition comprend également une soixantaine d’objets – c’est-à-dire la presque totalité de sa production –, qui sont autant "d’hommages à l’influence de Duchamp", selon Daniela Palazzoli.
Le détournement délibéré d’objets courants – comme le métronome-objet à détruire et le fer à repasser orné d’une rangée de clous –, avait pour but d’"amuser, surprendre, contrarier ou susciter la réflexion", expliquait Man Ray. Si la peinture est le fil conducteur de cette rétrospective, la photographie joue un rôle de médiateur entre celle-ci et les objets, oscillant entre une ligne conceptuelle – celle, par exemple, des rayogrammes – et une ligne plus personnelle – celle des portraits d’amis, d’artistes, de nus et de femmes aimées, telle la série consacrée au visage de Juliet, sa femme.
Comme le confirme son commissaire, cette rétrospective donne de Man Ray l‘image d’un artiste accompli, aux préoccupations proches de celles des générations montantes : "On dit volontiers que les artistes d’aujourd’hui aiment mélanger les moyens d’expression : l’exemple de Man Ray ne peut que les encourager dans cette voie."
RÉTROSPECTIVE MAN RAY, Galleria civica d’arte moderna, Turin, du 8 octobre à fin décembre. Catalogue édité par Res Libri.
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Man Ray surprend à Turin
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°18 du 1 octobre 1995, avec le titre suivant : Man Ray surprend à Turin