La mode est pour Man Ray un moyen de subsistance quand il arrive à Paris en 1922. L’introduction de Gabriële Buffet, épouse de Francis Picabia, auprès de Paul Poiret l’amène à photographier quelques-uns des modèles du célèbre couturier.
Le portraitiste découvre un genre dont il va bousculer quelques codes de représentation. Rapidement, les commandes de Vogue, Harper’s Bazaar, Variétés ou Vu affluent comme celles des grandes marques de cosmétiques ou d’accessoires. Tout ce que compte Paris en célébrités et figures de la mode, de Chanel à Elsa Schiaparelli, pose pour lui. L’esprit de ses photos, leur liberté dans l’interprétation des modèles, les expérimentations lors de la prise de vue ou du tirage séduisent. Certaines firent la couverture de La Révolution surréaliste ou de la revue Le Minotaure, comme celle du mannequin Nathalie Paley vêtue d’une robe Madeleine Vionnet et Lucien Lelong dans une brouette relookée par Óscar Domínguez. Les larmes de Lydia, photographie resserrée sur le regard d’une jeune femme aux contours des yeux parsemés de perles de verre, font partie de l’histoire du médium. La photographie de mode participa à la fabrication du travail d’artiste de Man Ray. Il se cacha pourtant bien de l’évoquer. La double exposition sur le sujet découvre ainsi au Musée Cantini une production en grande partie méconnue tandis que le château Borély évoque la mode au temps de Man Ray, du moins durant les années 1920-1930. L’une et l’autre se complètent à merveille. Le retour sur image du Musée Cantini découvre une création exclusivement consacrée à la représentation de la femme, excepté Jean-Charles Worth nu ! Man Ray compose, joue avec la silhouette du corps, du visage et l’attitude de ses modèles qu’elles soient amantes, amies, femmes du monde ou anonymes. Il trouve dans les mannequins en bois ou en cire de son époque un autre fabuleux terrain de jeu. Au château Borély se perçoit l’évolution de la mode entre les années 1920 et 1930, le regard troublant de vérité des mannequins en cire, supports de modèles haute couture ou d’accessoires, donnant à comprendre ce qui pouvait fasciner Man Ray dans ces reproductions.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°730 du 1 janvier 2020, avec le titre suivant : Man Ray et la mode, une relation cachée