À l’occasion de son exposition “Viens ! J’te fais un bon prix !/Nothing Domestic”? à la galerie Xippas, à Paris, Malachi Farrell répond à nos questions.
Des armes à feu en mouvement, des cris de manifestants, des drapeaux qui s’agitent... Que met en scène votre exposition “Viens ! J’te fais un bon prix !” ?
C’est un marché qui met en vente des armes et qui se compose de plusieurs stands d’origines géographiques et politiques diverses. Cela crée une micro-société qui existe partiellement dans la réalité. Mais, vu le nombre de pays convoqués ici, il serait impossible de les rassembler tous. C’est une sorte d’utopie. Le spectateur est mis en position d’acheteur et d’observateur. L’exposition met en scène la domestication des armes. D’un côté, nous avons une démocratie comme les États-Unis, où les armes sont en vente libre, de l’autre, des pays où les enfants soldats pullulent. Toutes les armes sont en plastique : c’est avec le jouet comme représentation banalisée de la guerre que commence la domestication de la mort. Une partie des éléments sur les stands sont en mouvement. Ils représentent les vendeurs ou les acheteurs. Face à eux, des drapeaux motorisés présentés à l’endroit ou à l’envers sont les seuls signes de protestation autorisés sur le territoire américain. Sous les drapeaux, des coupures de presse reviennent sur l’actualité, relatent des événements récents comme la guerre en Irak et la prise de Bagdad...
Des sons, des lumières, un ballet mécanique... Pourquoi cette théâtralisation “low-tech” de l’actualité ?
Je colle une image ironique et crue sur la situation actuelle : l’enchaînement des conflits, la surmédiatisation, la “sur-manipulation”, avec le recours à tous les moyens high-tech du moment. Le côté “low-tech” ou bricolé de l’installation est là pour souligner l’aspect primitif des conflits qui régissent le monde moderne. L’image que je veux donner du conflit, c’est, d’un côté une armée suréquipée, de l’autre des individus armés impossibles à localiser. Pendant ce temps, les armes continuent à circuler. L’œuvre s’inspire aussi de la montée en général des extrémismes qui en profitent pour se focaliser sur le Moyen-Orient.
Comment utilisez-vous le son dans ces différentes installations ?
Il y a surtout une énorme installation sonore combinant des sons enregistrés et des sons acoustiques générés par air comprimé. Cela se déroule en 4 actes.
Acte I : Brouhaha du marché. Prières matinales, chants coraniques, sons et mouvement liés aux ventes d’armes. De temps en temps, le marché s’arrête et les drapeaux s’agitent. On s’exclame : l’Américain veut-il la guerre ou la paix ? Puis, toutes les armes se détruisent.
Acte II : La chorégraphie des armes est orchestrée par la valse de Strauss Le Danube bleu, en référence à Stanley Kubrick dans 2001 : l’Odyssée de l’espace. Ces effets grandiloquents viennent souligner l’absurde de la situation. On passe à des sons de tirs de fêtes foraines.
Acte III: Une voix de peluche propose en anglais de jouer à faire honneur au drapeau américain. On aboutit à l’hymne national américain, au lever des drapeaux, des armes... et finalement à la version de l’hymne national de Jimmy Hendrix.
Acte IV : C’est une création acoustique à partir de l’air, une sorte de “free jazz”. Cette partie sert à détourner l’œuvre de sa fonction d’origine. Pour moi, chaque acte ouvre sur d’autres lectures possibles de l’œuvre. L’histoire change, mais le cadre reste le même, un peu comme dans une pièce de théâtre.
Une certaine violence se dégage de vos œuvres en général. À quelle fin l’utilisez-vous ? L’art est-il pour vous un engagement ?
Le plus triste, c’est que c’est le monde qui est dur. Et quand on veut lier l’industrie, l’économie et les problèmes de société, il est logique de tomber dans une sorte d’ambiguïté. Il est donc encore plus important aujourd’hui pour l’artiste de catalyser ou d’accompagner les questionnements. L’art, en tant que matière intellectuelle, est un terrain où il est historiquement possible de développer des théories, créer des images, propulser des énergies.
Malachi Farrell, “Viens ! J’te fais un bon prix !/Nothing Domestic”?, Galerie Xippas, 108, rue Vieille du Temple, 75003 Paris, tél. 01 40 27 05 55, jusqu’au 18 octobre.
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Malachi Farrell
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°176 du 12 septembre 2003, avec le titre suivant : Malachi Farrell