Il fait nuit et le ciel est bleu. L’hiatus visuel à l’œuvre dans L’Empire des lumières (1950) est évident, certes. Mais d’une évidence troublante.
Comme s’il fallait du temps pour percevoir l’artifice, pour déjouer l’illusion. Comme si, en dépit de cette invraisemblance flagrante, il fallait quelques secondes pour ciller puis démêler sa perplexité. Croire suffit parfois à voir. Et l’inverse – Magritte (1898-1967) le savait par cœur – est souvent vrai.
Une rue obscure et une voûte azur ne sauraient vraiment coexister, tout comme une locomotive ne saurait réellement sortir d’une cheminée (La Durée poignardée, 1938). Impossibles, improbables, ces oxymores visuels n’eussent été, sans la science de l’artiste, que des plaisanteries insignifiantes, des outrages de bon aloi. Or, Magritte est un fantastique imagier. Nourrie d’une centaine de toiles, pour certaines méconnues, l’exposition de l’Albertina de Vienne entend affronter l’ensemble de la carrière du Belge. À cet égard, le catalogue – sous forme d’abécédaire – traduit la complexité comme l’ambition du parcours, sondant ici l’héritage de Magritte auprès de Bertolucci, là le rôle du miroir dans de nombreuses compositions.
La composition. C’est cela, en somme, que poursuit invariablement l’artiste. Des images éminemment composées, des peintures délicieusement préméditées. Explorant la mécanique du dévoilement, mettant à nu les dispositifs érotiques, Magritte ne laisse rien au hasard. Il sait distribuer comme Puvis, suggérer comme Balthus, insinuer comme Chirico. Il y a du Hitchcock chez ce metteur en scène, chez ce raconteur d’histoires. Loin de Dalí et de ses turlupinades inoffensives, Magritte est un poète, inquiétant et étrange, capable de rendre réconfortantes les nuits obscures. Ou menaçants les ciels bleus. C’est selon. Et ce n’est pas rien.
Albertina, Albertinaplatz 1, Vienne (Autriche), www.albertina.at
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Magritte - ceci est une rétrospective
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°642 du 1 janvier 2012, avec le titre suivant : Magritte - ceci est une rétrospective