Grâce à des archives familiales retrouvées en 2007, la vie de la compagne de Voltaire est décrite dans son intimité de châtelaine et de femme savante.
En 2006, la figure d’Émilie du Châtelet (1706-1749) revenait sur le devant de la scène grâce à une exposition organisée par la Bibliothèque nationale de France (BNF). Celle qui fut la première traductrice des Principes mathématiques de la philosopie naturelle (1687) d’Isaac Newton dans une édition commentée reprenait enfin ses droits, longtemps tenue dans l’ombre de la figure de son compagnon de route (et de vie) Voltaire.
En 2007, les héritiers de la famille du Châtelet découvrent dans un grenier huit caisses d’archives, dont celles d’Émilie, que tous pensaient perdues au XIXe siècle. Le conseil départemental de la Haute-Marne se porte acquéreur en 2012 des archives familiales, tandis que les archives d’Émilie, les plus précieuses, sont censées être dispersées en vente publique. C’était sans compter les Archives de France, qui, après négociations, réussissent à inclure les manuscrits de la vie quotidienne d’Émilie dans le lot initial. Finalement, seuls les manuscrits « scientifiques » d’Émilie du Châtelet seront vendus chez Christie’s en octobre 2012, à des prix « inaccessibles pour des organismes publics de conservation », selon les mots d’Alain Morgat, directeur des Archives départementales de Haute-Marne, dans le catalogue de l’exposition consacrée à l'intellectuelle par le Musée d’art et d’histoire de Langres. Au total, la Haute-Marne aura mis la main sur 34 mètres linéaires d’archives de la famille du Châtelet.
L’exposition est donc le fruit des premières études effectuées à la suite de cette redécouverte. Là où la BNF insistait sur la stature scientifique et intellectuelle de cette femme des Lumières, Langres porte son attention sur la vie quotidienne d’Émilie dans son château de Cirey, où elle vécut avec Voltaire entre 1734 et 1749. Grâce à des prêts de collections particulières, un beau portrait d’Émilie, tout en naturel et modestie, attribué à Maurice Quentin de La Tour, ouvre le parcours, essentiellement constitué d’archives et de manuscrits. On découvre une femme élégante, qui dépense des fortunes en bijoux et vêtements, mais qui gère aussi les forges du domaine de Cirey, principale source de revenus du domaine, tandis que Voltaire se fait maçon et architecte, embellissant sur ses deniers le château du marquis du Châtelet. Il reste encore des zones d’ombre, révélées par ces archives : pourquoi Émilie acquiert-elle en toute illégalité une machine d’imprimerie ? Certains écrits de Voltaire ont-ils été rédigés à quatre mains ? L’histoire reste à écrire.
Commissariat : Olivier Caumont, directeur des musées de Langres ; Alain Morgat, directeur des Archives départementales de la Haute-Marne
Nombre d’œuvres : environ 100
Depuis trois ans maintenant, Langres a mis en place un cycle d’expositions intitulé « Les artistes de Diderot » : après Chardin en 2014 et Hubert Robert en 2015, c’est au tour de Joseph-Marie Vien (1716-1809) d’être regardé au travers des écrits de Diderot, au détour d’œuvres choisies pour avoir été commentées par le philosophe dans sa Correspondance littéraire. Cette exposition-dossier de dimension modeste (six peintures et deux estampes ont été sélectionnées) n’en est pas moins rigoureuse et éclairante quant au regard porté par Diderot sur l’art d’un de ses contemporains, qu’il jugea sévèrement ou avec admiration selon ses envois aux Salons. Diderot critique d’art n’est jamais tendre, se révèle même implacable, mais son œil exercé se trompe peu. De La Marchande à la toilette (1763, Fontainebleau), tableau aujourd’hui reconnu comme essentiel à la compréhension du tournant du rococo au néoclassicisme, il écrit : « Tant de charmes partout qu’il est impossible de les décrire. Les accessoires sont d’un goût exquis et du fini le plus précieux. » Il se fait beaucoup plus critique, pris d’une colère impérieuse, devant César, débarquant à Cadix (1766-1667) dont Langres présente un modello du Musée des beaux-arts d’Arras. « C’est César que cela ? Ah parbleu, c’était un autre bougre que celui-ci. C’est un fesse-mathieu, un pisse-froid, un morveux dont il n’y a rien à attendre de grand ! ». Le visiteur pourra se faire juge de la dureté du propos. F. G. « Les artistes de Diderot : Joseph-Marie Vien », Musée d’art et d’histoire de Langres, jusqu’au 10 octobre.
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Lumières sur Émilie du Châtelet
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 19 septembre, Musée d’art et d’histoire, place du Centenaire, 52200 Langres, tél. 03 25 86 86 86, www.musees-langres.fr, tlj sauf mardi, 9h-12h et 13h30-18h30, entrée 7 €. Catalogue, Archives départementales de la Haute-Marne, 122 p., 15 €.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°461 du 8 juillet 2016, avec le titre suivant : Lumières sur Émilie du Châtelet