Art Contemporain - L’exposition déborde sur le hall d’entrée : des kangas (tissus d’Afrique de l’Est) sont suspendus comme des drapeaux au-dessus de nos têtes, et les textes ou interpellations qui y sont peintes happent d’emblée le visiteur.
Pour la première rétrospective suisse de l’artiste britannique originaire de Zanzibar, conçue en collaboration avec la Tate Modern, le musée vaudois propose un parcours passionnant en soixante-dix œuvres (installations sonores et visuelles, peintures, textes poétiques) abordant de vastes thématiques : l’histoire, l’environnement, les relations humaines et les conflits. Faisant écho à l’intérêt de l’artiste pour l’opéra et à sa formation de décoratrice de théâtre, l’exposition est conçue comme une série de scènes. À première vue, le monde qu’Himid dépeint, émaillé de références visuelles au continent africain, sa terre natale (palette de couleurs, motifs géométriques), est joyeux et rempli de chaleur. Mais, peu à peu, les failles apparaissent et augmentent notre malaise de spectateur : le racisme, l’intolérance et la douloureuse histoire de l’esclavage sont en réalité omniprésentes. Avec une grande économie de moyens, Himid nous fait ainsi revivre le commerce triangulaire avec l’installation sonore Old Boat/New Money : il lui suffit de quelques planches en bois agencées en deux grandes vagues posées contre le mur et accompagnées d’une bande-son évoquant le clapotis des vagues et le grincement des planches de bateau. Ailleurs, elle reprend des œuvres-clés de l’histoire de l’art occidentale comme Mariage à la mode du peintre anglais William Hogarth pour en détourner subtilement mais durablement le sens : ici, la satire sociale se transforme en une grinçante critique politique. Ailleurs, une simple scène célébrant la sensualité féminine (Deux Femmes courant sur la plage de Picasso) devient, sous la main d’Himid, une ode à la femme de couleur, maîtresse de son destin et foulant le regard masculin blanc. S’il y a partout de la facétie, une bonne dose d’humour mais aussi de l’optimisme chez Himid, la face sombre du monde et de l’être humain s’y révèle sans fard.
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Lubaina Himid : le monde est une scène de théâtre
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°761 du 1 janvier 2023, avec le titre suivant : Lubaina Himid : le monde est une scène de théâtre