En 1992, la redécouverte et la restauration du décor de Chagall pour le Théâtre juif de Moscou avait donné lieu à une rétrospective itinérante sur les “années russes�? du peintre, en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis, et finalement à Paris. Ajoutant à ces panneaux une soixantaine de toiles et des costumes, la Royal Academy reprend l’étude de cette intense période d’activité au cours de laquelle l’artiste élabore son langage onirique et coloré, en marge des avant-gardes françaises et russes.
À l’été 1914, de passage dans sa ville natale de Vitebsk, Marc Chagall est surpris par la Première Guerre mondiale et ne peut regagner Paris où il a son atelier depuis quatre ans. Il se mariera, occupera des fonctions importantes dans le nouvel État communiste et travaillera huit années durant entre Petrograd, Moscou et Vitebsk.
En France, le peintre a développé un style à part qui emprunte à divers courants. Le Cubisme l’a conduit à des constructions plus dynamiques et mieux structurées, tandis que ses coloris saturés l’apparentent aux Fauves et que sa manière lumineuse doit beaucoup à Delaunay. Son retour forcé en Russie lui offre un recul supplémentaire par rapport aux avant-gardes parisiennes. Il délaisse généralement les points de vue multiples pour simplifier ses compositions, qui gagnent en ampleur.
Mais l’intérêt et le talent de Chagall résident sans doute moins dans son langage formel que dans ses images oniriques, où l’irrationnel côtoie des détails très réalistes et où la verve populaire se mêle au tragique. Cette approche trouve ses sources dans la littérature, le folklore russe et yiddish, et la tradition juive hassidique qui considère le monde profane comme le seuil – perméable – du sacré.
Bien que le peintre affirme à plusieurs reprises “ne pas chercher à faire de la poésie”, les figures volantes du Juif errant, de sa femme Bella ou d’animaux incitent le spectateur à lire ses tableaux comme des contes ou des légendes populaires. Le sentiment d’une dimension supérieure est très présent dans son œuvre, mais, contrairement à son rival Malevitch, Chagall reste solidement ancré dans le figuratif et la représentation d’un univers familier.
Entre 1914 et 1922, ses tableaux reflètent ses préoccupations et sa vie quotidienne : les rues anciennes de Vitebsk, ses habitants pittoresques – comme dans le Juif en rouge ou la Boutique du barbier –, son amour pour Bella qu’il épouse en 1915, ou son attirance pour le monde du spectacle et les artistes. La commande, en 1920, des décors pour le Théâtre juif de Moscou constituera le clou de sa carrière en Russie. Deux ans plus tard, il quittera son pays, en bute à l’avant-garde constructiviste et aux adeptes du retour au réalisme.
CHAGALL, L’AMOUR ET LA SCÈNE, jusqu’au 4 octobre, Royal Academy of Arts, Aile Sackler, Picadilly, tél. 44 171 300 8000, tlj 10h-18h en juillet-août, dimanche 10h-20h30, à partir de septembre, vendredi 10h-20h30.
ROBERT CAPA, 31 juillet-12 septembre, The Photographers’ Gallery, 8 Great Newport Street, tél. 44 171 831 1772, tlj 11h-18h, dimanche 12h-18h, entrée gratuite.Robert Capa ne fut pas seulement le grand photographe de la Guerre d’Espagne, mais aussi un bon portraitiste qui eut pour modèle Picasso, Matisse et Humphrey Bogart. La Photographers’ Gallery met en lumière ces deux aspects de son œuvre.
LUCIAN FREUD, NOUVELLES PEINTURES, jusqu’au 26 juillet, Tate Gallery, salle 21, Millbank, tél. 44 171 887 8000, tlj 10h-17h50. Vingt nouvelles peintures et cinq dessins récents de Lucian Freud viennent témoigner de son travail inlassable sur le Nu et la chair.
PATRICK HERON, jusqu’au 6 septembre, Tate Gallery.Principale figure de l’abstraction anglaise dans l’après-guerre, Patrick Heron se voit consacrer une vaste rétrospective, couvrant toute sa carrière depuis les années trente. Ses recherches sur la composition par la couleur sont illustrées à travers quelque quatre-vingt toiles, dont plusieurs œuvres inédites.
PAULA REGO, jusqu’au 26 juillet, Dulwich Picture Gallery, College Road, Dulwich Village, tél. 44 181 693 52 54, tlj sauf lundi 10h-17h, samedi 11h-17h, dimanche 14h-17h.La Dulwich Picture Gallery a invité Paula Rego à travailler à partir des collections du musée. S’inspirant des scènes en costume de Murillo et du roman Les péchés du père Amaro d’Eça de Queirós, l’artiste portugaise a créé quatorze grands pastels autour du thème des relations complexes entre les hommes et les femmes.
AQUARELLES DE WILLIAM TURNER, jusqu’au 20 septembre, British Museum, Great Russell Street, tél. 44 171 323 8525, tlj 10h-17h, dimanche 14h30-18h.Il y a quarante ans, Robert Wylie Lloyd, alors président de Christie’s, offrait au British Museum cinquante aquarelles de Turner. En hommage, le musée montre l’ensemble de la donation, qui compte notamment des paysages suisses tardifs, très prisés.
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Londres : un été très divers
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°64 du 8 juillet 1998, avec le titre suivant : Londres : un été très divers