John House, maître de conférences en histoire de l’art à l’Institut Courtauld, à Londres, est commissaire de l’exposition \"Paysages de France : l’ImpresÂsionnisme et ses adversaires\", qui ouvrira ses portes le 18 mai à la Hayward Gallery. L’exposition sera divisée en deux parties, comme l’était le monde de l’art dans la deuxième moitié du XIXe siècle : d’un côté, sa \"face publique\" – la peinture présentée au \"Salon\" entre 1860 et 1890 – et de l’autre, sa \"face cachée\", l’Impressionnisme. John House attend de cette confrontation qu’elle fasse ressortir les traits les plus caractéristiques du paysage impressionniste.
Pourquoi replacer l’Impressionnisme dans son contexte ?
John House : Cette exposition se propose de montrer ce à quoi les impressionnistes s’opposaient et ce à quoi on les comparait. Notre démarche est aussi une attaque contre une certaine conception de l’histoire, linéaire et évolutive, ainsi qu’une façon de réfuter la thèse selon laquelle l’Impressionnisme devrait être considéré comme prisonnier de ce mouvement historique.
Certaines toiles du côté "Salon" de l’exposition éclaireront l’Impressionnisme d’une lumière nouvelle. Nous avons tenu à ne pas privilégier les artistes qui exposaient le plus fréquemment ou dont les toiles étaient le plus souvent achetées par l’État français : nous leur avons préféré des tableaux qui témoignent d’un véritable travail visuel.
Il est frappant de constater, dans les années 1860, la variété incroyable des paysages exposés au "Salon" : on peut y voir des toiles vraiment étonnantes et inventives, des styles très audacieux, une vision dramatisée de la nature et de ses forces élémentaires.
C’est cette extrême diversité qui semble caractériser l’époque, et c’est ce que notre sélection cherche à mettre en valeur. Il ne faut surtout pas croire que la peinture du "Salon" n’était que le pâle et ennuyeux reflet de la formidable aventure impressionniste qui se déroulait en parallèle. Même si les impressionnistes commençaient à peindre des paysages très contemporains, avec des éléments ouvertement modernes. Rien de cette modernité au Salon, bien sûr, mais cela ne signifie pas que l’expérimentation y était totalement absente.
Cette exposition essaie donc de rendre justice au paysage français du XIXe siècle, un genre négligé par les études qui sont parues récemment ?
Depuis quelque temps, l’histoire de l’art tend à s’intéresser plus particulièrement à l’histoire sociale et à son évolution. La ville est le terrain privilégié de cette observation, et c’est pourquoi la vie urbaine fait l’objet d’études récentes. Je crois pourtant que le paysage était considéré à l’époque comme le genre souverain de la peinture. De plus, les problèmes sociaux de la France de l’époque sont tout aussi visibles dans les paysages que dans les scènes citadines, et l’opposition entre la ville et la campagne se lit très clairement dans certaines toiles de la section "Salon".
Avez-vous pu emprunter toutes les toiles que vous désiriez ?
Pour ce qui est de la section "Salon", nous avons obtenu presque tout ce que nous avions demandé. La plupart des toiles étaient dans des réserves depuis de nombreuses années, et certaines ont d’ailleurs dû être restaurées pour l’exposition. Pour les toiles impressionnistes, il y a bien sûr une importante concurrence, d’où d’inévitables déceptions. Je crois néanmoins que nous sommes parvenus à rassembler une belle sélection, notamment d’œuvres de Monet et de Cézanne. Je me suis efforcé de choisir des toiles variées pour ne pas avoir toujours la même rivière ensoleillée ! Au contraire, j’ai choisi des toiles inattendues, parce que je crois que l’inattendu est précisément ce sur quoi repose la vision impressionniste.
Cette exposition ne sera montrée qu’en Angleterre et aux États-Unis, pourquoi pas en France ?
Lorsque nous avons commencé à élaborer ce projet, nous l’avons présenté à Françoise Cachin, alors directeur du Musée d’Orsay (Ndlr : aujourd’hui directeur des Musées de France). Sa réaction a été la suivante : "Oh, comme c’est intéressant, nous serions bien sûr ravis de vous aider, mais non, nous ne sommes pas intéressés." Telle a été la décision française.
En fait, nous en avons retiré une plus grande liberté d’action. Si on avait dû monter cette exposition en collaboration avec la France, il aurait fallu travailler avec une sorte de comité. Au lieu de cela, un commissaire a choisi seul les toiles. Ce fut pour moi une expérience enthousiasmante et captivante, mais aussi effrayante ! Je travaille sans filet, pourrait-on dire. Il y aura des toiles du Salon que les gens détesteront, mais j’espère également qu’ils seront cloués sur place par celles qu’ils aimeront.
"Paysages de France : l’Impressionnisme et ses adversaires", Hayward Gallery, Londres, du 18 mai au 13 août.
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Londres- Le paysage impressionniste face au "Salon"
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°14 du 1 mai 1995, avec le titre suivant : Londres- Le paysage impressionniste face au "Salon"