L’Odyssée finlandaise

On entre dans l’exposition « Légendes des pays du Nord » comme dans une forêt peuplée de lutins, de sorcières et de trolls : une scénographie onirique, construite autour d’agrandissements d’illustrations de Rudolf Koivu, dessinateur finlandais du début du XXe siècle, nous plonge dans l’imaginaire des contes nordiques. On s’émerveille d’autant plus que l’exposition fait découvrir au public français un univers méconnu : celui des légendes finlandaises traditionnelles, présentées à travers des illustrations d’artistes de la fin du XIXe au XXe siècle. Ces récits mythologiques occupent une place particulière dans la construction du récit national de ce pays. La Finlande fut en effet colonisée par les Suédois pendant sept siècles, avant de passer sous le joug de la Russie, en 1809. Elle ne s’en affranchit qu’en 1917, profitant du désordre de la Révolution russe. Un miracle ? Pas tout à fait. Car, dès le XIXe siècle, le peuple finlandais s’était mis à chercher activement ses racines. C’est ainsi qu’Elias Lönnrot – Homère moderne pour les Finlandais ! – collecta les légendes orales traditionnelles pour composer l’épopée finlandaise : le Kalevala. Publié une première fois en 1835, cet ouvrage suscita aussitôt l’intérêt des artistes. L’exposition commence par la présentation d’un de ses plus grands illustrateurs : Akseli Gallen-Kallela, qui entreprit d’illustrer cette épopée sous forme d’un livre d’art, dans un style nouveau, inspiré à la fois des enluminures des manuscrits médiévaux et des motifs des Indiens du village de Taos, au Nouveau-Mexique. On découvre ensuite l’œuvre aussi étonnante que méconnue de Joseph Alanen, qui représenta avec fidélité le mythe en utilisant la technique de la peinture a tempera sur des toiles rugueuses, avec un rendu proche de celui de la tapisserie. L’esthétique teintée de symbolisme de ces artistes se retrouvera dans les contes enfantins du XXe siècle (ceux qu’illustrent par exemple Rudolf Koivu et Martta Wendelin, qu’on découvre dans la deuxième partie du parcours). Il serait dommage de repartir de cette merveilleuse exposition sans le catalogue, qui compile notamment contes et illustrations de ces artistes, pour faire les délices des petits et des grands.