LYON - « Ceci n’est pas une exposition sur l’Orient » : tel aurait pu être le sous-titre de l’exposition du Musée des beaux-arts de Lyon.
Intitulée « Le Génie de l’Orient », elle renvoie au regard qu’ont porté les Occidentaux sur ce Levant tour à tour méprisé, fantasmé, admiré et souvent mal compris lorsque les arts de l’Islam sont entrés progressivement dans les collections et l’imaginaire des Européens, entre la fin du XVIIe siècle et les premières années du XXe siècle. La perspective choisie par Rémi Labrusse, commissaire de l’exposition, se révèle complexe et passionnante. Elle parvient à illustrer les forces contradictoires à l’œuvre dans la diffusion des arts de l’Islam. Entre l’orientalisme, qui propage une vision fantasmée de l’Orient, tout en érotisme, violence et mystère, et les recherches presque scientifiques des architectes et peintres partis en expédition à la découverte de Grenade, Le Caire, Istanbul ou Ispahan, deux approches radicalement différentes sont ici proposées, illustrées par les parcours de voyageurs, collectionneurs, artistes, architectes ou décorateurs.
Les vitrines confrontent objets antiques – d’une qualité exceptionnelle grâce à des prêts de haute volée ainsi qu’au fonds propre du musée lyonnais – et productions modernes. Un fragment de minbar égyptien (chaire de l’imam) en bois et ivoire daté du XIIIe siècle dialogue ainsi intelligemment avec les dessins de Friedrich Hessemer, qui réalise en 1830 des centaines de relevés architecturaux de la capitale égyptienne. Très vite, les recherches sur les motifs ornementaux passionnent les artistes qui glissent de l’architecture au décor. Ces travaux servent de fondement aux peintres dits « orientalistes » : Jean-Léon Gérôme, après ses nombreux voyages, se sert des monuments et des décors étudiés pour légitimer des mises en scènes fantaisistes. Dans le Bain maure (1880-1885), une mosquée de la ville turque de Bursa devient un hammam à l’atmosphère érotique, alors même que les accessoires utilisés par le peintre relèvent d’une précision documentaire.
La partie la plus intéressante de l’exposition est consacrée au courant anglais Arts & Crafts : figure tutélaire du design moderne, Owen Jones rationalise sa passion pour l’Orient en élaborant une Grammaire de l’ornement parue en 1856. Il y déploie des principes fondamentaux à partir de formes et couleurs minimales. Luttant contre les « pasticheries » orientalistes, Jones souhaite comprendre sans imiter. En France, ces recherches trouvent un écho dans le travail obsessionnel de Jules Bourgoin, pris dans une quête impossible autour d’une langue universelle des formes. À l’issue du parcours, Matisse et Klee font la découverte des arts de l’Islam, qui transformera leur peinture.
L’exposition parvient à saisir l’idée d’« arts de l’Islam » dans un siècle « en perpétuelle interrogation sur la nature même des représentations de l’identité et de l’altérité », selon les termes de Labrusse dans le catalogue.
Commissariat : Rémi Labrusse, professeur d’histoire de l’art contemporain à l’université de Paris-X-Nanterre ; Salima Hellal, conservatrice au Musée de Lyon
Nombre d’œuvres : env. 450
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L’Occident rencontre l’Orient
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Abonnez-vous dès 1 €Jusqu’au 4 juillet, Musée des beaux-arts, 20, place des Terreaux, 69001 Lyon, tél. 04 72 10 17 40, www.mba-lyon.fr, tlj sauf mardi 10h-18h, vendredi 10h30-18h. Catalogue, Somogy Éditions d’art, 400 p., 39 euros, ISBN 978-2-7572-0438-2.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°345 du 15 avril 2011, avec le titre suivant : L’Occident rencontre l’Orient