L’Italie n’est pas précisément la patrie de l’Art brut : celui-ci n’y fait l’objet d’aucune reconnaissance institutionnelle, et les expositions sur le sujet sont rares.
Au-delà des « cas » célèbres de Giovanni Podestà et Carlo Zinelli, les marges y recèlent pourtant un foisonnement inattendu, dont témoigne la richesse de « Banditi dell’arte » à la halle Saint-Pierre.
Pour Gustavo Giacosa, spécialiste des relations entre art et folie et commissaire de l’exposition, les raisons de cette créativité sont à chercher dans l’histoire de la psychiatrie italienne – d’où la prédominance des œuvres asilaires dans sa sélection. Les plus anciennes d’entre elles doivent en effet leur conservation à Cesare Lombroso qui, à la fin du XIXe siècle, a cherché dans l’art des « bandits » (autrement dit des mis au ban, aliénés, repris de justice…) la preuve qu’on naît criminel. Rassemblées au rez-de-chaussée, les œuvres de cette période portent la marque du « grand renfermement » dont est essaimée l’histoire moderne de la folie. Pour beaucoup anonymes, elles adoptent par nécessité les matériaux les plus pauvres (cartons, tissus de récupération, os…), les supports de fortune (jarres ou murs que l’on grave), les petits formats, et inventent en guise de remède à la claustration toutes sortes d’objets, de rituels magiques et de cosmogonies.
En contrepoint à ce monde clos marqué par le refoulement, le premier étage présente un ensemble d’œuvres créées dans le contexte plus récent de l’antipsychiatrie. Dans les années 1970, en effet, les réformes menées par Franco Basaglia transforment les asiles en structures ouvertes. L’expression artistique, si elle ne joue pas nécessairement un rôle thérapeutique, y est alors encouragée dans le cadre d’ateliers comme La Tinaia à Florence. La nature et l’esthétique des œuvres exposées reflètent cette évolution radicale. Dans les portes de Francesco Nardi, les dessins de Fausto Badari ou les détournements d’objets de Franco Belluci, le monde extérieur se fraye un chemin jusqu’au cœur de l’aliénation et donne forme aux obsessions les plus intimes.
Halle Saint-Pierre, 2, rue Ronsard, Paris-18e, www.hallesaintpierre.org
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L’Italie par la bande
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°652 du 1 décembre 2012, avec le titre suivant : L’Italie par la bande