Lors de la 16e Biennale d’architecture de Venise, l’an passé, l’exposition « Memphis. Plastic Field » consacrée à ce collectif de designers, réunis dans les années 1980 à Milan par le maestro Ettore Sottsass, s’était déployée au Palazzo Franchetti.
La scénographie, concoctée par le duo transalpin IB Studio, évoquait une sorte de sous-bois de couleur noire, une manière d’attirer l’attention des visiteurs sur les tonalités audacieuses de la production signée Memphis. C’est exactement le même dispositif que reproduit aujourd’hui le Musée des arts décoratifs et du design de Bordeaux pour livrer une version 2 de ladite présentation. Installée dans les murs de l’ancienne prison, celle-ci réunit cent soixante meubles et objets imaginés entre 1981 et 1988, mais de facture contemporaine –nombre sont d’ailleurs toujours au catalogue de la Galerie Memphis Milano/Post Design. On retrouve des pièces mythiques comme l’anthropomorphe bibliothèque Carlton d’Ettore Sottsass, incarnation, en outre, de l’âme postmoderniste de son auteur, ou deux insolites théières en céramique imaginées par Marco Zanini, mais aussi quelques œuvres plus « sages », tel ce cabinet haut sur pattes Nikko signé Shiro Kuramata, voire moins connues ou vues, tel Cipriani d’Alessandro Mendini, élégant meuble bas tout habillé de miroirs. À déambuler dans ce « sous-bois » donc, au milieu de cette production ô combien « bariolée » en couleurs et en formes, on comprend illico la surprise qu’a dû provoquer le dévoilement de l’ensemble de ces pièces, en 1981. Inspirée du pop art, cette esthétique iconoclaste fut un défi à la mode minimaliste en vigueur à l’époque. Une intrinsèque irrévérence qui permit alors, à Ettore Sottsass et consorts, de marquer d’une empreinte indélébile le panorama du design mondial.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°726 du 1 septembre 2019, avec le titre suivant : L’irrévérence mobilière de Memphis