Souverains éclairés, épris d’humanisme, les empereurs moghols Akbar et Jahangir accueillent, de 1580 à 1630, trois missions jésuites en provenance d’Italie. On raconte que leurs palais de Fatehpur Sikri, Agra ou Lahore résonaient, tard dans la nuit, de vifs débats philosophiques et théologiques sur l’art, la politique et la religion. Les artisans de la Cour du Grand Moghol – titre des empereurs de la dynastie moghole qui régna sur l’Inde du XVIe au XIXe siècle – s’initient, quant à eux, aux principes de la perspective et du modelé, ouvrent leur art à un plus grand naturalisme, animant leurs figures d’une gestuelle dramatique, ou teintant leurs portraits d’une dimension psychologique. Christs, saints et madones deviennent parallèlement leur répertoire de prédilection, couvrant tant les parois tombales que les murs palatiaux. Pour Gauvin Bailey, commissaire de cette exposition, leurs œuvres ne correspondent pas à des « capitulations » devant l’art et la religion occidentale, ni à de simples « caprices exotiques ». Reprenant à leur compte la théorie des images élaborée lors du Concile de Trente, les empereurs musulmans Akbar et Jahangir en font la pièce centrale de leur propagande envers la majorité hindouiste asservie, n’hésitant pas à détourner parfois le sens de l’iconographie chrétienne pour la conformer à la morale islamique. Les vingt-deux objets de l’exposition, peintures, gravures, manuscrits et sculptures, ressuscitent ces cinquante années d’échanges fructueux entre Europe et Inde moghole. À noter, un rare Christ en cristal de roche – trois seulement sont actuellement connus – et un portrait de l’empereur Akbar, se détachant sur un ciel digne des plus grands maîtres flamands.
WASHINGTON, Sackler Gallery, jusqu’au 4 avril.
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L’Inde moghole à l’école des Jésuites
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°504 du 1 mars 1999, avec le titre suivant : L’Inde moghole à l’école des Jésuites