Outre la peinture, Miró a expérimenté différentes techniques de création, dont la gravure.
Saint-Paul-de-Vence. C’est l’année de Miró. Après la splendide exposition au Grand Palais, la Fondation Maeght présente son œuvre graphique, essentiellement des gravures, mais aussi des gouaches, des encres inédites, des maquettes ou des affiches. Difficile de parler de surprise : la famille Maeght détient la plus grande collection de gravures de Miró au monde. En effet, Aimé Maeght, son marchand historique, entretenait un lien privilégié avec l’artiste espagnol qui disposait d’un atelier sur place.
Ici, la mise en scène intelligente de l’ancienne directrice de la Fondation Miró à Barcelone, Rosa Maria Malet, permet de voir toute la richesse de ces travaux. À partir de 1927, Miró va explorer les différentes techniques de la gravure, lithographie, xylographie, aquatinte, taille-douce, pochoir, carborundum et même, plus tard, le scanner.
L’artiste est capable d’inventer des techniques nouvelles en incorporant des collages, des textes ou des taches d’encre ou de couleur sur des supports de fortune les plus inattendus. La liste est longue : des journaux, des couvertures de livres, des parchemins, des tissus entiers ou déchirés, des napperons, textures vivantes, actives et réactives. Un exemple parmi d’autres, ce miracle de légèreté, L’Illettré aux carreaux rouge (1969, voir ill.) – une figure ? un hiéroglyphe ? – est une lithographie sur toile Vichy contrecollée sur chiffon de Mandeure.
Tout laisse à croire que plus encore que la peinture, un domaine plus « respectable », la gravure est vécue par Miró comme une expérimentation pour sa capacité d’action rapide, qui donne lieu à des formes inconnues et suggestives, à des images jamais aperçues auparavant, à des expressions condensées qui relèvent d’un imaginaire singulier. Il faut de l’audace pour déclarer : « cracher sur une plaque préparée et ensuite commencer à graver en partant de ces taches. » Hélas, on ne saura jamais si l’artiste a véritablement craché sur les quelques plaques en cuivre perforées à l’acide, ces matrices exposées face aux résultats définitifs du processus de l’impression.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°530 du 4 octobre 2019, avec le titre suivant : L’imagination gravée de Miró