ARLES
En 2015, la relecture de l’histoire de la photographie par Jan Dibbets au Musée d’art moderne de la Ville de Paris engageait dans un récit poétique sur les potentialités des techniques du médium et l’évolution de leurs usages par les artistes.
On y repense en parcourant Picture Industry de Walead Beshty et sa manière d’envisager les différentes utilisations de l’image fixe ou en mouvement depuis leur émergence. Car l’approche de l’artiste américain, via l’industrialisation des images et leurs divers usages, des origines du médium à nos jours, engage à un tout autre discours bien plus politique et bien plus vaste. Il est vrai que Walead Beshty se distingue de Jan Dibbets par son parcours de théoricien du médium et d’enseignant. La lecture de son récit demande qu’on prenne du temps, qu’on y revienne, tant il convoque sur plus de 1 000 m2 un florilège diluvien de pièces exceptionnelles diverses (vintages, films, vidéos ou publications) et de cartels riches en informations. Le billet de l’exposition permet d’ailleurs de s’y rendre autant de fois qu’on veut. Car il s’agit pour l’artiste, dans cette convocation d’auteurs prestigieux (de William Henry Fox Talbot à Stan Douglas), de recontextualiser avant tout des créations au travers de leurs usages et de leurs enjeux à tel ou tel moment de l’histoire du XIXe, XXe ou XXIe siècle, mais aussi rétrospectivement. Des reportages de Lewis Hine sur la pauvreté au film de Thomas Hirschhorn intitulé Pourquoi il est important aujourd’hui de montrer et de regarder les images des corps détruits, la réflexion embrasse large et frappe fort. Et ce de bout en bout, qu’elle aborde le traitement en images de la misère sociale et du travail industriel, celui du racisme ou du nazisme, de la société de consommation, du 11-Septembre ou des différentes formes de terrorisme depuis les premières prises d’otages en avion.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°718 du 1 décembre 2018, avec le titre suivant : L’image est un sport de combat
