Archéologie

Ancienne Égypte - L’IMA ressuscite les cérémonies d’Osiris

A l’IMA, Osiris sauvé des eaux

Grâce aux dernières campagnes de fouilles effectuées en baie d’Aboukir, les cérémonies secrètes attachées au grand dieu égyptien se révèlent dans toute leur splendeur

Par Bérénice Geoffroy-Schneiter · Le Journal des Arts

Le 15 septembre 2015 - 729 mots

Dans une exposition conçue pour séduire les néophytes et satisfaire les égyptologues avertis, l’Institut du monde arabe présente les dernières découvertes des fouilles subaquatiques menées en baie d’Aboukir. La mise en scène illustre le déroulement de la cérémonie en partie secrète des « Mystères d’Osiris », célébrée entre les cités de Thônis-Héracléion et Canope.

PARIS - Comment réussir à séduire l’égyptologue chevronné comme le néophyte, pour lequel la civilisation pharaonique est bien souvent une nébuleuse de divinités à tête de faucon ou de lion, voire un réservoir inépuisable de fascination et de fantasmes ? C’est le défi que relève avec brio l’archéologue Franck Goddio en exposant, de façon érudite et poétique tout à la fois, le fruit de ses dix dernières années de fouilles sous-marines en baie d’Aboukir, à quelques encablures du port d’Alexandrie.

Le fil conducteur de cette nouvelle odyssée s’est vite imposé : le déroulement des fameux « Mystères d’Osiris », soit une grande cérémonie initiatique d’une durée de vingt et un jours qui perpétuait, au mois de Khoiak de chaque année, la légende d’Osiris, l’une des divinités les plus populaires du monde égyptien. Rythmée par des écrans verticaux plongeant le visiteur dans l’ambiance d’une fouille sous-marine, la scénographie relate ainsi, sur 1 100 mètres carrés, le déroulé de ces rituels nimbés de secret, qui s’achevaient par une grandiose procession nautique sur les canaux reliant la cité de Thônis-Héracléion (célèbre pour son temple d’Amon Géreb) à la ville de Canope. Grâce aux récits des auteurs anciens (dont Plutarque, au IIe siècle) et aux recherches de l’égyptologue Sylvie Cauville (qui a étudié les bas-reliefs des chapelles osiriennes sur le toit du temple de Dendara), l’on sait que la passion du dieu Osiris – assassiné puis démembré par son frère Seth, avant d’être ressuscité par sa sœur et épouse, la déesse Isis – était mimée au long de ce parcours symbolique et rituel tout à la fois. L’effigie du « dieu qui meurt et qui renaît » sortait alors de son temple pour être promenée sur sa barque, au milieu des acclamations des fidèles. On ne pouvait rêver plus bel hommage pour celui qui enseigna aux hommes l’art de l’agriculture et régula les eaux du Nil, source de richesses…

Une anthropologie du sacré
C’est précisément toute cette « anthropologie du sacré » que fait revivre, dans le moindre détail, l’exposition de l’Institut du monde arabe (IMA), à Paris. Des louches sacrificielles aux plats à offrandes, en passant par les situles, les brûleurs à encens, les lampes à huile, les sistres, les amulettes, les barques et les ancres votives en plomb, sans oublier les statues cultuelles du dieu, de son épouse Isis et de son fils Horus…, nul témoignage n’est omis dans ce tableau émouvant des croyances et des pratiques des anciens Égyptiens. Il faut imaginer alors la liesse populaire qui devait embraser les rives du Nil et sa population cosmopolite lorsque les prêtres façonnaient, dans l’argile, des effigies du dieu gorgées de l’eau de la crue nouvelle : la germination de ces « Osiris végétants » symbolisait la vie éternellement renouvelée, l’équilibre cosmique maintenu par le triomphe du Soleil sur les ténèbres. Lorsque les Égyptiens d’aujourd’hui font germer des lentilles dans du coton lors de fêtes religieuses, savent-ils qu’ils perpétuent une coutume ancestrale ?…

Mariant séductions visuelles et sonores (des sons évoquent le vent soufflant dans les papyrus, des écrans de tulle laissent deviner l’effigie colossale du dieu Hâpy) avec discours érudit (signés Martine Thomas-Bourgneuf, les textes et la muséographie sont d’une clarté exemplaire), l’exposition convie à un véritable parcours initiatique. Ainsi, comment ne pas être ému face à ces statues d’Isis Lactans qui montrent la déesse « aux mille noms » donnant le sein à son enfant Horus ? N’annoncent-elles pas, à bien des égards, la figure de la Vierge Marie allaitant l’Enfant Jésus ? Et comment ne pas voir dans la geste du dieu Osiris ce mélange subtil d’humanité et de divin qui explique son extraordinaire fortune tout au long des siècles ? Aux yeux de ses fidèles (égyptiens, grecs, puis romains), il fut cet être de chair et de sang martyrisé et occis avant de renaître, juvénile et souriant, à la vie.

OSIRIS

Commissariat général : Franck Goddio, archéologue
Commissariat scientifique : David Fabre, Institut européen d’archéologie sous-marine
Nombre de pièces : 250 issues des fouilles sous-marines, 40 environ provenant des musées du Caire et d’Alexandrie

Osiris, Mystères engloutis d’Égypte, jusqu’au 31 janvier 2016, Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, place Mohammed-V, 75005 Paris, www.imarabe.org, entrée 15,50 €. Catalogue, coéd. Flammarion/IMA, 248 p., 25 €.

Légende Photo :
Statuette d'Osiris en bronze et barque votive en plomb posées sur les fonds sous-marin de la baie d’Aboukir, Thonis-Héracléion, Égypte, VIe-IIe siècle av. J.-C. © Franck Goddio/Hilti Foundation. Photo : Christoph Gerigk.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°441 du 18 septembre 2015, avec le titre suivant : A l’IMA, Osiris sauvé des eaux

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