Au sein d’une dramaturgie accrocheuse plongeant les visiteurs dans la pénombre, le tandem David Brognon et Stéphanie Rollin, jeunes plasticiens engagés nés respectivement en 1978 et 1980, présente au Mac/Val, assisté par les commissaires Julien Blanpied et Frank Lamy, sa première exposition muséale en France.
Rassemblant une trentaine d’œuvres, inédites comme plus anciennes, cette manifestation variant les médiums (installation, sculpture, performance, son, vidéo, photographie) est moins une rétrospective qu’une monographie qui, en empruntant son titre à Borges (« L’avant-dernière version de la réalité »), nous questionne sur le temps, sa perception, sa relativité, son écoulement, ainsi que sur ses liens avec l’espace, tant physique que psychique. Réalisant des pièces polysémiques ouvertes sur le collectif (des détenus, des toxicomanes, des chômeurs ou bien des individus placés sous surveillance électronique), Brognon et Rollin, tels deux conceptuels humanistes mâtinant noirceur du quotidien et esthétique minimale, transforment leur présentation personnelle en une plongée vertigineuse dans l’humaine condition. Parmi leurs diverses propositions interrogeant finement la marginalité, l’enfermement et l’attente, l’une capte particulièrement notre attention tant le matériau « humain » y est pleinement à l’œuvre : dans Until Then (2018), un line sitter (personne dont le job consiste à attendre à la place d’une autre dans les files d’attente des magasins, des services sociaux, des salles de spectacle, etc.) occupe l’espace du Mac/Val jusqu’à la mort volontaire et programmée d’une personne en fin de vie. C’est à la fois étrange et troublant, donc puissant.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°734 du 1 mai 2020, avec le titre suivant : L’humanisme conceptuel de Brognon et Rollin