Au Centre culturel suisse, Pauline Julier livre les éléments d’une recherche aux accents romantiques sur les « histoires naturelles ».
Paris. 20 mars 2010 : en Islande, le volcan Eyjafjöll entre en éruption, projetant dans les airs un nuage de fumée qui atteint l’Europe et cloue au sol des centaines d’avions pendant plusieurs semaines. L’artiste suisse Pauline Julier fait alors partie des passagers empêchés de voler, coincée en transit à Doha, au Qatar. De cette attente forcée par la nature va naître un projet au long cours, dont l’exposition « Naturalis Historia » au Centre culturel suisse (CCS) n’est que l’une des manifestations – en attendant la publication d’un livre au printemps prochain.
Au début était un projet de film – le travail de l’artiste, formée à l’École de photographie d’Arles, oscille entre cinéma et installation. Celui-ci n’ayant pu être produit, « l’exposition est le récit de cet échec », confie Pauline Julier. Un « entre-temps » dans lequel elle jongle avec des formes hybrides (film, sculpture, architecture, texte) pour évoquer cette nature toute-puissante qui détruit pour créer, perçue ici par fragments. À l’étage du CCS, une vidéo projette dans toute la largeur de la salle l’image d’une grotte inondée par la lumière rasante d’un laser noyé dans une brume violâtre. Face à cette vision kitsch des origines, plusieurs abris bruts de décoffrage s’offrent au visiteur. Une sorte de boule de lave d’abord, dans laquelle est diffusé un film tourné en Chine auprès de scientifiques étudiant la plus ancienne forêt connue, surnommée la « Pompéi végétale », recouverte il y a 300 millions d’années sous une couche de cendres projetées par une éruption volcanique. En surplomb, un belvédère de bois auquel il faut grimper diffuse une conférence de l’anthropologue Philippe Descola sur la notion de paysage chez les peuples d’Amazonie, tandis que plus bas défile un texte de Giacomo Leopardi, Dialogue de la Nature et d’un Islandais. Cet habillage de textes (citons également l’entretien réalisé avec le sociologue Bruno Latour, livré sur support papier) enrichit autant qu’il noie quelque peu le propos de l’artiste, bonne élève soucieuse de citer ses sources.
La proposition de Pauline Julier est pourtant plastiquement forte, notamment dans le diptyque vidéo qui place en vis-à-vis des images des cérémonies du miracle de la San Gennaro, à Naples, censé protéger la population du volcan, des corps figés dans la cendre, des relevés scientifiques et des éditions anciennes de l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien, mort lui-même lors de l’éruption du Vésuve. Autant d’images, à la fois fortes et fragiles, qui racontent la richesse infinie des stratégies de survie face à notre propre disparition.
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L’homme face à la toute puissante nature
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°488 du 3 novembre 2017, avec le titre suivant : L’homme face à la toute puissante nature