Art ancien

XVIIIE-XIXE SIÈCLES

L’expérimentation du plein air

Par Élisabeth Santacreu · Le Journal des Arts

Le 2 février 2022 - 524 mots

PARIS

Une importante sélection de paysages à l’huile sur papier, peints sur le motif, met l’accent sur la créativité des artistes dans un genre voué, alors, au secret de l’atelier.

Paris. Longtemps, les paysages peints en plein air dans la technique de l’huile sur papier ont été considérés comme des documents de travail destinés à rester dans l’atelier du peintre. Parfois, celui-ci en offrait à un confrère ou à l’un de ses collectionneurs. Lorsque l’artiste mourait, s’ils n’étaient pas conservés par la famille, ils étaient acquis par d’autres peintres. Pour sa part, le paysagiste Pierre-Henri de Valenciennes (1750-1819) utilisait ces travaux pour son enseignement. Lors de sa vente après décès, le 26 avril 1819, un lot se composait d’« environ cent vingt Esquisses, peintes à l’huile, faites d’après nature, à Rome, et ayant servi de modèles aux élèves de feu M. Valenciennes. » Beaucoup furent acquises par le vicomte Alexandre-Émile de l’Espine. Sa petite-fille, Hortense de l’Espine, princesse de Croÿ, en fit don au Louvre sous réserve d’usufruit en 1930 et elles entrèrent au musée à sa mort, en 1932.

Ces huiles sur papier de Valenciennes ont fait, depuis, l’admiration de générations de visiteurs tout comme, au Royaume-Uni, celles de John Constable (1776-1837) données par sa fille, Isabel, à la Royal Academy of Arts et au Victoria and Albert Museum. Pourtant, précisent les commissaires Mary Morton, Jane Munro et Ger Luijten dans l’introduction du catalogue de « Sur le motif », « à de rares exceptions près, la peinture en plein air de la fin du XVIIIe et du début du XIXe siècle resta largement ignorée jusqu’à sa “redécouverte” progressive au milieu du XXe siècle ». Les cent quinze œuvres de soixante-neuf peintres (et quatre anonymes) cataloguées et la quarantaine hors catalogue qui sont présentées dans cette exposition proviennent de quatre collections, celles de la National Gallery of Art de Washington, du Fitzwilliam Museum de Cambridge et de la Fondation Custodia de Paris, ainsi que d’une collection particulière. Leur choix a fait l’objet d’une « longue négociation », est-il précisé, car la beauté de ces feuilles est telle qu’il est difficile de renoncer à en montrer certaines.

Le paysage, prémices de la modernité

Regroupées par thèmes (arbres, rochers, mer, ciel, volcans, toits, ruines, etc.), elles montrent la diversité de points de vue des peintres. Deux destinations sont aussi mises en exergue : Rome et sa campagne, et Naples et Capri. C’est que ces Français, Allemands, Anglais et Scandinaves ont expérimenté le plein air sous le climat propice de l’Italie avant de le pratiquer dans leur pays. Plus ou moins « finies », ces œuvres nous séduisent par leur rapidité d’exécution et leur absence de sujet autre que topographique ou atmosphérique, précisément ce qui déplaisait à la majorité des contemporains. Il est évident qu’elles ont joué un rôle prépondérant dans le changement d’optique des artistes qui a conduit au romantisme, à l’impressionnisme et aux mouvements qui lui ont succédé. Ainsi, Une étude de vague se brisant sur des rochers au coucher du soleil de François Gérard (vers 1820, voir ill.) annonce le raz-de-marée romantique, La Tamise à Chelsea, soir du préraphaélite William Holman Hunt (1853) précède Monet et Vésuve en éruption d’Anicet Lemonnier (1779) anticipe l’abstraction.

Sur le motif. Peindre en plein air, 1780-1870,
jusqu’au 3 avril, Fondation Custodia, 121, rue de Lille, 75007 Paris.

Thématiques

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°582 du 4 février 2022, avec le titre suivant : L’expérimentation du plein air

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque