Sol LeWitt présente actuellement, au Musée d’art moderne de San Francisco, sa première grande rétrospective depuis 1978. À travers plus de deux cents œuvres, comprenant livres, photographies, structures en bois, œuvres sur papier, textes théoriques et un grand nombre de peintures murales, il tente de « montrer comment (ses) idées se sont développées au fil du temps et comment elles ont évolué de façon logique, les unes après les autres ».
SAN FRANCISCO (de notre correspondant) - Né dans le Connecticut en 1928, LeWitt est parti à New York en 1953 pour suivre les cours de la School of Visual Arts. Il a ensuite travaillé en tant que graphiste pour l’architecte de la Pyramide du Louvre et collectionneur d’art I.M. Pei, dont le modernisme souple et adapté au contexte l’a sans aucun doute influencé. Sol LeWitt a exposé pour la première fois en 1963, dans l’église Saint-Marc à New York. Sept ans plus tard, il présentait sa première rétrospective au Gemeentemuseum de La Haye, avant celle organisée par le MoMA de New York en 1978. Même s’il est surtout connu pour ses peintures murales aux couleurs pures et aux contours nets, sa motivation principale reste le langage : toutes ses œuvres découlent d’instructions écrites. Deux de ses citations résument son œuvre : “Lorsqu’un artiste a recours à une forme d’art conceptuel, cela implique que toutes les préparations ont été faites, que toutes les décisions ont été prises à l’avance et que l’exécution est quantité négligeable.” (Paragraphs on Conceptual Art, 1967) et : “Je voudrais créer une œuvre que je n’aurais pas honte de montrer à Giotto”. LeWitt a compris qu’une structure conceptuelle pouvait offrir suffisamment de liberté pour créer toutes sortes d’œuvres d’art. Dans le même texte, il conclut : “L’idée devient une machine qui fabrique des œuvres d’art”. Cette remarque s’applique aussi bien à sa réalisation murale pour Christie’s New York – un hommage abstrait à l’œuvre monumentale de Diego Rivera au Rockefeller Center – qu’à son Autobiography de 1979, une série de photographies en noir et blanc de différents objets dans son loft du 117 Hester Street.
LeWitt porte une attention particulière à l’exactitude de ses instructions écrites qui, selon lui, “doivent être claires, sinon le dessin ne sera pas exact”. Il choisit également ses assistants pour la réalisation des dessins, reprenant à son compte la devise Zen : “Mieux vous comprenez, meilleur est le résultat”. Pourtant, ses peintures murales auraient-elles une signification différente si elles étaient réalisés par LeWitt lui-même ? Giotto travaillait lui aussi avec de nombreux assistants, mais il est étonnant de constater combien LeWitt se tient à distance de l’exécution de ses œuvres. Cette attitude leur permet d’être créées partout dans le monde en son absence ; les musées souhaitant présenter ses travaux doivent les recréer. À San Francisco, quarante-six peintures ont été exécutées par une équipe de plus de vingt artistes et étudiants en art. Le musée a également passé commande pour son atrium de deux pièces, #935 et #936. En dépit de l’aspect anonyme des travaux réalisés par ses assistants et de l’utilisation de matériaux industriels qui éliminent toute trace de savoir-faire, LeWitt admet qu’il “souhaiterait être identifié à ses œuvres”. Et malgré des changements dans son répertoire de combinaisons et de dessins colorés, l’ensemble demeure reconnaissable : il porte la “marque de fabrique” LeWitt.
Pour lui, ses réalisations purement commerciales (des emballages pour Nina Ricci et des œuvres murales pour des cours intérieures, des restaurants et des hôtels) ont pour vocation d’appliquer ses idées à des contextes nouveaux : “Je ne fais aucune différence entre un art noble et un art bas de gamme. Je fais de mon mieux pour chacune de mes œuvres”.
- RÉTROSPECTIVE SOL LEWITT, jusqu’au 21 mai, Museum of Modern Art, 151 Third Street, San Francisco, tlj sauf mercredi 11h-18h, jeudi 11h-21h, tél. 1 415 357 4000, www.sfmoma.org. Puis, juillet-octobre, Musée d’art contemporain de Chicago, et octobre-février 2001, Whitney Museum à New York.
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LeWitt, au fil du temps
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°102 du 31 mars 2000, avec le titre suivant : LeWitt, au fil du temps