Photographie

Marseille (13)

L’évolution de notre civilisation en question

Mucem

Par Christine Coste · L'ŒIL

Le 8 avril 2021 - 561 mots

MARSEILLE

200 clichés de 110 photographes originaires des 5 continents : la prochaine exposition du Mucem entend dresser le portrait complexe de notre époque.

« The Family of Man » demeure l’exposition photo la plus célèbre. Conçue en pleine guerre froide par Edward Steichen et présentée d’abord au Museum of modern Art (MoMA) de New York en 1955, elle se positionnait comme un manifeste pour la paix et l’égalité des hommes. Depuis, sa rhétorique universaliste a fait l’objet de diverses réinterprétations plus ou moins heureuses. L’ambition de « Civilization » de William A. Ewing et Holly Roussell de dresser le portrait de notre civilisation actuelle à travers la photographie pouvait donc laisser dubitatif. À tort. Au Mucem, leur propos offre une exposition stimulante par ses réflexions, choix des photographes et travaux sélectionnés, bien que conçue avant la pandémie. « Civilization » a en effet entamé son itinérance en 2018 à Séoul avant de poursuivre à Pékin et à Melbourne, puis à Auckland en 2020 et à Marseille aujourd’hui. Le propos de l’ancien directeur du Musée de L’Élysée à Lausanne et de l’historienne spécialisée dans l’art et la photographie asiatique contemporains n’en reste pas moins pertinent. Souligner ce propos n’apporterait rien de plus, car… la pandémie pose des questions que l’exposition aborde dès ses premières sections, consacrées à la densité urbaine et à ce qui fait socialisation à l’ère du numérique, de l’image à outrance et de la circulation exponentielle de personnes, d’argent ou de données. Le concept de civilisation, redéfini à l’aune de son évolution au niveau planétaire et des comportements globalisés et de masse, aboutit à un état des lieux sombre de l’humanité, désormais dominée par un monde urbain tentaculaire. Son examen au prisme de la photographie établit du même coup une vue d’ensemble des différents traitements photographiques du sujet, circonscrits par William A. Ewing et Holly Roussell aux vingt dernières années. En ouverture, la photographie grand format du Pergamon Museum de Thomas Struth et celle de la bibliothèque de l’Abbaye des chanoines augustins de Saint-Florian de Candida Höfer posent ce principe de double lecture en offrant à la fois une réflexion sur ces civilisations passées qui nous constituent et que transmettent musées et bibliothèques, et son traitement par deux illustres élèves de l’école de Düsseldorf, chapitre important de l’histoire de l’art contemporain. La sélection des photographes et de leurs travaux, bien équilibrée entre grands noms et auteurs moins référencés à l’international, ne s’interdit pas de présenter deux ou trois travaux d’un même artiste comme pour Massimo Vitali. Plus que la nationalité, bien que tous les continents soient plus ou moins représentés, ce sont les enquêtes menées au long cours sur tel ou tel sujet qui sont privilégiés, telles celles de Michael Wolf sur le visage des mégapoles, de Samuel Gratacap sur les camps de réfugiés ou de Lauren Greenflied sur les jeunes. Du constat de ce qu’il est advenu de notre civilisation aux visions de ce que pourrait être notre futur, les approches percutantes ne manquent pas. Le 11 Septembre vu par Sean Hemmerle, la salle vide du comité exécutif de la Fifa photographiée par Luca Zanier ou les utopies spatiales de Vincent Fournier ne s’oublient pas, la commande passée par le Mucem à la jeune Marseillaise Yohanne Lamoulère et au duo Simon Brodbeck et Lucie de Barbuat introduisant à d’autres regards incisifs sur des avancées technologiques à l’origine de changements profonds, actuels ou à venir.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°743 du 1 avril 2021, avec le titre suivant : L’évolution de notre civilisation en question

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