Exploration

L’être façonné par sa perception du monde

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 27 octobre 2015 - 714 mots

Dans un parcours souvent complexe ou poétique, le LaM retrace l’apprentissage
du monde par l’homme depuis le XVe siècle.

VILLENEUVE D’ASCQ - C’est à une expérience toute en métaphores que convie le LaM (Lille Métropole Musée d’art moderne,d’art contemporain et d’ art brut) dans le cadre de la nouvelle session de « Lille 3000 ». La manifestation étant intitulée « Renaissance », le musée de Villeneuve d’Ascq déroule un parcours qui, à partir de ce point charnière de l’histoire, interroge la connaissance par l’être humain du monde qui l’entoure et, par-delà, la perception qu’il se fait de la nature et des savoirs, qui inévitablement contribuent à le façonner et lui donner corps. Pensée comme un possible voyage initiatique s’étirant du crépuscule jusqu’à l’aube, « Là où commence le jour » conduit à une prise de conscience élargie de l’environnement, du plus proche au plus lointain, voire à l’inatteignable.
Même si parfois un peu obscur, mais répondant pleinement en cela à la volonté de maintenir le spectateur en expectative sur la voie du mystère, le parcours segmenté en une douzaine de chapitres se révèle riche, laissant alterner les œuvres d’une soixantaine d’artistes dans un accrochage très précis, aux dialogues et va-et-vient précisément pensés. Par intermittence, l’irruption des temps anciens vient souligner la continuité d’une pensée ou d’interrogations par l’entremise d’une trentaine d’ouvrages du Moyen Âge et de la Renaissance.

La perception du monde
Dès la première salle, une vitrine pose la problématique de la perception du monde à une époque où ses formes et contours tendent à être redéfinis, conduisant de fait à une perte des certitudes ; des ouvrages de la fin du XVe siècle figurent alors un monde qui, de plat, est devenu circulaire. Cette question de la perception, et donc de la vision, trouve ici des perspectives contemporaines à travers notamment le motif de la fenêtre traité par Claudio Parmiggiani ou Fabrice Samyn, mais aussi du miroir dans lequel Ignasi Aballí semble défier avec des slogans la véritable nature du reflet. Un miroir qui, en toute fin de parcours, se morcelle et s’opacifie sous l’action d’Ann Veronica Janssens (Magic Mirror Blue, 2013), peut-être prélude à une renaissance justement.

Rationnelle par certains de ses aspects, la proposition se laisse volontiers tirer vers le mystérieux et une poésie singulière, en s’aventurant sur les territoires de l’illusion voire du magique, avec des œuvres d’Hubert Duprat, Jugnet Clairet ou José María Sicilia, qui flirtent avec les limites de la (re)connaissance. Est présentée une belle sélection, avec des œuvres notamment de Giuseppe Penone, Gina Pane, Anthony McCall, Janine Antoni ou Michel François, le voyage se poursuit vers l’exploration du corps et de la nature, dans un mouvement constant entre le connu et l’inconnu, le vécu et le fantasmé. Une découverte qui n’est pas seulement passive, mais tient aussi dans le façonnage de l’être, comme lorsque Gabriel Orozco semble avoir recréé son cœur avec de la terre (My Hands are My Heart, 1991).

Dispositifs numériques
Notable est le fait qu’avec cette exposition, le LaM a souhaité engager une véritable réflexion sur la place du numérique dans les musées et les expositions. Exit cartels et textes aux murs : chaque salle dispose d’une borne interactive regroupant l’ensemble des informations. Cliquer sur la vignette d’une œuvre en délivre les références, mais aussi des contenus complémentaires et plus fournis, sur l’artiste notamment. Le revers est que lorsqu’elle est consultée par un visiteur, les  autres, pas forcément patients, sont privés d’informations. Le catalogue tente lui aussi – non sans un clin d’œil envers la révolution du livre imprimé abordée dans l’exposition – une percée vers le digital, avec une publication intégralement en ligne qui, pour un coût d’accès modique, permet de revenir sur le contenu intégral de l’exposition et s’enrichira progressivement, de vidéos d’artistes notamment (une autre approche que celle de la dernière Biennale de Lyon, qui propose, elle, le téléchargement d’un fichier pdf). Là encore l’expérience est imparfaite, dans la mesure où le site sera accessible pour une durée de deux ans seulement, en raisons notamment de coûts prohibitifs concernant les droits de diffusion des vidéos. Mais alors que le monde des musées semble singulièrement à la traîne en matière numérique, les expérimentations sont les bienvenues.

Là où commence le jour

Commissaire : Marc Donnadieu
Nombre d’artistes : 64
Nombre d’œuvres : environ 160

Là où commence le jour

Jusqu’au 10 janvier 2016, LaM – Lille Métropole Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut, 1, allée du Musée, 59650 Villeneuve d’Ascq, tél. 03 20 19 68 68, www.musee-lam.fr, tlj sauf lundi 10h-18h, entrée 10 €. Catalogue numérique éd. LaM, 6 €.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°444 du 30 octobre 2015, avec le titre suivant : L’être façonné par sa perception du monde

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