Ceci n’est pas une exposition sur l’art du phylactère, ni même une plaisanterie – ou alors à un niveau artistique auquel seuls les Belges ont su la porter.
L’art « Bul », qu’est-ce que c’est ? C’est « une pensée », disent ses promoteurs. C’est vrai, une pensée faite d’aphorismes et de bons mots, de poésie et de surréalisme, et d’un peu de fâcherie avec Magritte – que Bury avait rebaptisé Reni « me gratte ». Mais c’est aussi, à l’origine, un groupe d’artistes, emmenés par le sculpteur Pol Bury (1922-2005) et le poète André Balthazar (1934-2014), qui se sont réunis dans une ferme de Montbliart, dans la province de Hainaut, pour fonder une académie. Très vite, cette académie est devenue une revue, une maison d’édition, des expositions, des enquêtes, des archives…, l’ensemble ayant été renommé en 1957 le Daily-Bul. Inconnue en France – et peut-être ailleurs –, cette aventure est le centre de l’exposition que le Centre Wallonie-Bruxelles présente en son sein. Le Daily-Bul ne s’y raconte pas – il ne s’y définit pas plus –, mais s’expose à travers la dernière enquête que le Daily-Bul a consacrée au clocher de La Louvière, décoiffé par un séisme en 1968. En 1985, Balthazar et Bury envoient, d’abord à quelques artistes, puis très vite à plus de deux cents personnes, une photo de l’église Saint-Joseph décapitée, avec pour instruction de dessiner ou de rédiger leur « projet de réoccupation de l’espace laissé vide ». En réponse, Balthazar s’amuse à planter à son sommet une mèche d’une bougie ; Bury, lui, y place le Manneken-Pis. Ben Vautier propose de son côté d’y déplacer Big « Ben », laissant le soin à Topor d’en faire un moulin à café… Pour y moudre les conventions ?
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°711 du 1 avril 2018, avec le titre suivant : L’esprit de clocher