L’édition 2003 du festival Art Outsiders organisé par la Maison européenne de la photographie permet de découvrir les « nouvelles frontières de l’art », un « Space Art » qui est en train de se cartographier sous nos yeux. Des outsiders sur lesquels l’art contemporain commence à parier très sérieusement.
Les premières photos de la lune et de la voie lactée ont été exposées au musée d’Orsay : de documents scientifiques elles ont acquis le statut d’œuvres d’art. La fascination pour la lune et les planètes, après avoir été bercée de mythologie, inspirant notamment l’Endymion à Girodet, a donné naissance, au XXe siècle, à un art scientifique que l’on pensait endormi depuis 2001 L’Odyssée de l’espace et les décors des émissions télévisées des frères Bogdanov.
Voici que l’espace virtuel sert aujourd’hui de miroir invisible à une nouvelle production artistique intergalactique, le « Space Art » : un nom de baptême anglo-américain pour désigner une forme d’art dont le Français Méliès est l’incontestable inventeur. La MEP, parce qu’elle est présidée par Henry Chapier dont les enthousiasmes de jeune homme sont connus, présente cette année une série d’œuvres qui ont plus ou moins partie liée avec l’Internet et qui se donnent pour cadre l’immense mouvement des planètes. Le choix, effectué par Jean-Luc Soret dans une production mondiale foisonnante, jongle avec divers systèmes solaires, certains mieux habités que d’autres.
Parmi les meilleurs, Kéo de Jean-Marc Philippe propose aux visiteurs de l’exposition d’envoyer quatre pages à la postérité : le satellite Keo mettra sur orbite votre prose, avec la bénédiction de l’Unesco, pendant 50 000 ans avant de restituer cette œuvre d’art collective à nos successeurs sur la terre, s’il y en a. Collision de Richard Clar modélise sous forme d’installation multimédia les épaves d’engins spatiaux qui ont transformé la périphérie de la terre en poubelle technologique. Le groupe londonien Arts Catalyst organise des expériences artistiques en gravité zéro, pas vraiment dans l’espace mais au cours de ces fameux « vols paraboliques » qui annulent, pendant quelques minutes, la gravité. Pierre Comte invente des structures sans signification au sol, visibles de l’espace, et son projet Zéro G. Art est soutenu par le CNES et la Nasa. Susan Collins avec Tate in Space conçoit le premier musée de l’espace, une Tate Gallery du xxie siècle : elle a lancé un concours d’architecture pour la première galerie intersidérale, dont les résultats les plus incroyables sont présentés à la MEP.
Notre génération est la première à pouvoir « considérer » les étoiles avec nostalgie. La conquête est derrière nous : la science-fiction commence à avoir le goût du vintage. Si l’imaginaire d’internet fonctionne ainsi à l’unisson des images de la conquête spatiale c’est parce qu’il renvoie lui aussi une image immatérielle de l’au-delà du visible, vieille préoccupation des artistes. La toile mondiale, avec
ses trous noirs et ses galaxies en expansion, communique mystérieusement avec la voie lactée. L’instrument technique nouveau n’est qu’une manière inédite d’appréhender le voyage hors de notre temps et de notre espace, une faucille d’or dans le champ des étoiles.
« Space Art », PARIS, MEP, 5-7 rue Fourcy, IVe, tél. 01 44 78 75 00, 1er octobre-9 novembre. Pour suivre le festival sur le web et avoir accès aux œuvres www.art-outsiders.com Pour visiter virtuellement quatre œuvres d’artistes du « Space Art » Against gravitropism d’Eduardo Kac : www.ekac.org/levitation.html Star Place de Shin’ichi Takemura : www.sensorium.org/starplace/index.htmlSETI@HOME : www.setiathome.ssl.berkeley.edu T_rauma : intimate extraterrestrial communication d’Igor Stromajer : www.Raumars.org/trauma/
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Les yeux dans les étoiles
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°551 du 1 octobre 2003, avec le titre suivant : Les yeux dans les étoiles