PARIS
Hiroshi Sugimoto est le premier photographe à être invité par le château de Versailles. Ses différentes interventions dans le domaine de Trianon témoignent qu’il pratique aussi la sculpture, l’installation, la performance et l’architecture.
Le portrait de profil de Louis XIV, réalisé à partir du moulage direct sur le modèle façonné par Antoine Benoist en 1705 pour son portrait de cire, reste néanmoins la création la plus marquante de l’artiste japonais en ces lieux, bien que Louis XIV n’a jamais eu aucun rapport avec le Petit Trianon, construit à la demande de Louis XV. Le portrait grand format installé dans la salle des gardes paraît plus vrai que nature. Le trouble est d’autant plus grand que les autres photographies d’effigies de cire de têtes couronnées ou de chefs d’État issues de la série Portraits que Sugimoto réalisa au Musée Madame Tussauds à Londres, en 1999, s’avèrent moins fascinantes, justement par l’inégale qualité de leur facture. La réunion au Pavillon français des portraits de Napoléon Bonaparte, de Voltaire et de Benjamin Franklin issus de cette série en pâtit d’ailleurs, malgré le lien de ces derniers avec Versailles, que chacun fréquenta, et le passé en France de leur créatrice Marie Tussaud. Marie Tussaud, née Marie Grosholtz forma en effet la plus jeune sœur de Louis XVI à la confection de figures de cire avant de partager la cellule de Joséphine de Beauharnais pendant la Révolution. Antoine Benoist (1632-1717), quant à lui, fut au temps de Louis XIV élevé au titre de « peintre du roi et son unique sculpteur en cire coloriée » et réalisa à partir de 1668 un ensemble de mannequins en cire grandeur nature dit « du Cercle Royal » comprenant notamment le roi, la reine et le dauphin, absents de l’exposition. Dans cette mise en abîme du temps, Sugimoto a conçu une autre photographie, cette fois pour le Petit Théâtre, édifié à la demande de Marie-Antoinette. L’effet de cette image créée sur le même principe que celles de la série Theaters, engagée par l’artiste depuis 1976, est toutefois moindre, tant le décor somptueux du théâtre, exceptionnellement ouvert, happe le regard.
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°719 du 1 janvier 2019, avec le titre suivant : Les vertiges du temps d’hiroshi Sugimoto