Prix

ART CONTEMPORAIN

Les talents révélés de la Bourse émerige

Par Anne-Cécile Sanchez · Le Journal des Arts

Le 17 octobre 2019 - 755 mots

La bourse Révélations Émerige présente les projets des douze finalistes 2019 tout en exposant les travaux de ses cinq anciens lauréats dans un lieu, nouveau et éphémère, consacré à la promotion de la jeune scène française.

Paris. La bourse Révélations Émerige a été créée il y a six ans à l’initiative de Laurent Dumas, fondateur et président du groupe immobilier Émerige. Cette édition rappelle les ambitions de ce rendez-vous à travers l’inauguration d’un nouveau lieu, « Voltaire », qui restera ouvert un an avant sa requalification. Ancienne fabrique transformée en site de production et de diffusion d’art contemporain, l’adresse parisienne abrite des ateliers, une librairie, un restaurant « socio-responsable » et un local associatif dévolu à l’éducation.

Au rez-de-chaussée, et en préambule à celle des finalistes 2019, l’exposition anniversaire est consacrée aux cinq artistes récompensés depuis 2014 : Vivien Roubaud, Lucie Picandet, Edgar Sarin, Linda Sanchez et Paul Mignard. Explicitement intitulée « Cinq ans », elle vient souligner l’installation sur la scène contemporaine de ce prix doté de 15 000 euros qui a vocation à soutenir les plasticiens français ou vivant en France, âgés de moins de 35 ans, et se tenant encore en dehors du marché.

En 2015, Vivien Roubaud, soutenu par la galerie In Situ-Fabienne Leclerc, présentait ainsi une de ses sculptures gonflables aux Tuileries pour le « Hors les murs » de la Fiac [Foire internationale d’art contemporain]. Lucie Picandet a bénéficié d’une résidence à la Fondation d’entreprise Hermès, et la Galerie George-Philippe & Nathalie Vallois lui a consacré un solo show lors du dernier salon Drawing Now.

En 2018, Edgar Sarin a pour sa part investi l’île Saint-Louis le temps d’une Nuit blanche. Linda Sanchez figure actuellement dans l’exposition sur la scène française (« Futur, ancien, fugitif ») au Palais de Tokyo à Paris. Enfin, Paul Mignard clouait il y a quelques mois ses dernières toiles à même les murs de la Galerie Jérôme Poggi. Tous ont gagné en maturité, en expérience. Un épais catalogue réunit par ailleurs les 58 autres nommés. Cela fait du monde.

Les finalistes de 2019

Les douze nouveaux finalistes sont réunis quant à eux dans « L’effet falaise » avec des œuvres qui n’ont pour la plupart jamais été montrées. La prise de risque est différente, le rapport au monde aussi. « Depuis six ans, il s’agit à travers ces éditions successives d’écrire une certaine histoire de cette génération des artistes de moins de 35 ans », reconnaît le commissaire Gaël Charbau. « Voyageurs nomades » faisait référence à leur précarité, « Une inconnue d’avance » à un horizon commun et incertain. Avec « L’effet falaise », allusion métaphorique à une terminologie de l’industrie nucléaire, on aborde « ce moment pour lequel il n’y a plus de procédure écrite. Plus de marche à suivre », précise-t-il.

Parmi ces douze nommés, plusieurs choisissent pourtant de se raccrocher à la réalité, aussi déprimante soit-elle. C’est le cas d’Olivier Bémer, présent avec deux projets, dont l’installation 0,10$ Collective Attempt. Via la plateforme de micro-travail Amazon Mechanical Turk, l’artiste a passé commande de trois actions rémunérées : rire, applaudir, psalmodier. Exécutées à distance par des internautes anonymes, ces tâches dématérialisées s’additionnent pour composer une performance collective désaccordée, traduction sonore, dans une pièce vide, d’un mode de vie déshumanisé. Victoire Thierrée s’intéresse, elle, à l’univers des formes militaires. Jouant sur leur séduction potentiellement destructrice, son film Form Follows Function invite à contempler les cuirasses de blindés filmés en longs plans muets. En vis-à-vis, la série de sculptures en acier « Azimut » (2019) emprunte aux engins le vert pâle anodin utilisé pour rendre leurs habitacles moins anxiogènes.

Les fictions abrasives de Paul Heintz

Lauréat 2019, Paul Heintz adopte lui aussi une posture documentaire : graffitis de prison rassemblés en portfolio noir et blanc (La vie 2 rêve Nick Charles III), témoignages de pyromanes en voix off de son film Foyers, vidéosurveillance démultipliée dans son autre documentaire Shanzhai Screens ; c’est en fouillant les marges qu’il compose ses fictions abrasives et poétiques. Enquête autobiographique teintée de tendresse chez Charlie Aubry, déconstruction géologique des strates d’une ville pour Néphéli Barbas, le réel affleure encore dans ces démarches investigatrices. Il interfère parfois curieusement avec les conventions esthétiques, comme dans ces objets portés par la vague d’une histoire de l’art déroulée avec une virtuosité amusée par Janna Zhiri. C’est une autre caractéristique de cette édition que d’offrir une grande diversité de pratiques : la peinture, en mascarade chez Carlotta Bailly-Borg, d’après modèle chez Maxime Biou, pleine de trouble chez Simon Martin, naïvement brute chez Tirdad Hashemi ; la sculpture, conceptuelle avec Margot Pietri ; et la performance, à laquelle font écho les superbes gouaches sur papier de Kubra Khademi.

L’effet falaise,
jusqu’au 17 novembre, Voltaire, 81, boulevard Voltaire, 75011 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°531 du 18 octobre 2019, avec le titre suivant : Les talents révélés de la Bourse émerige

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