Au Musée Rath de Genève, près de 130 tableaux de peintres suisses, de Calame à Hodler, dressent un panorama de la création artistique nationale, de 1848 – date de la constitution fédérale – à 1906. L’exposition met notamment en lumière le rejet diffus de la modernité qui marque la production du jeune État, dans le choix des thèmes aussi bien que de la manière picturale, tout en s’attachant à quelques figures originales et novatrices, tels Böcklin, Segantini, Hodler et Vallotton.
GENÈVE - En 1848, la Suisse abandonne définitivement sa structure confédérale de cantons souverains pour rédiger la constitution d’un véritable État fédéral. Les décennies suivantes représentent un moment clé pour la formation de l’identité nationale. Dans ce jeune pays, qui mêle des cultures et des langues différentes et où les artistes doivent partir étudier à Paris, Munich, Düsseldorf ou Rome, la peinture va néanmoins montrer quelques fortes spécificités.
Si, comme partout, les tableaux de genre se multiplient, pour répondre à la demande d’une nouvelle bourgeoisie, l’art suisse de la seconde moitié du XIXe siècle reste avant tout celui du paysage, notamment de montagne. Même la peinture d’histoire, par ailleurs peu présente et volontiers allégorique et pacifiste, accorde un rôle important au paysage qui, de son côté, se charge souvent de significations identitaires. Ainsi, à partir de la guerre franco-allemande de 1870, le Gothard se connote d’une double référence : rempart et voie de communication entre les peuples, il cristallise l’attention des artistes, comme en témoignent la Gorge du Dragon de Böcklin et La poste du Gothard de Koller.
Conservatisme et innovations
La représentation des Alpes devient un topo de la peinture suisse, tout en évoluant stylistiquement au gré des différents courants artistiques. Les vues sublimes de Calame se rattachent encore au Romantisme, mais assez vite, le Réalisme et l’exemple barbizonais de la peinture sur le motif prennent le pas, à travers les œuvres de Steffan ou Koller. Corot marque aussi nettement certains artistes, comme Barthélemy Menn qu’il éloigne des sommets au bénéfice des lacs brumeux.
Une dernière tendance se dégage dans le dernier quart du siècle : le “vérisme”, qui privilégie une vision idéale et arcadienne des hauts pâturages, avec un rendu souvent quasi-photographique. Ce mouvement traduit la résistance d’une grande partie des peintres à aborder les thèmes modernes de la ville et de l’industrialisation, aussi bien qu’à se lancer dans les combats esthétiques qui bouleversent alors d’autres pays.
Les quelques personnalités en marge de cette production conservatrice se voient bien sûr accorder une place spéciale dans l’exposition. Profondément attaché aux paysages alpestres, Segantini adopte un divisionnisme lumineux et géométrique novateur, tandis qu’à travers ses compositions monumentales, Böcklin imagine un univers méditatif et symboliste assez poétique. Vallotton saura se montrer un féroce critique social, durant ses premières années à Paris et sa période nabie. Enfin, Hodler, avec La Nuit – interdite à Genève –, rompt avec le traditionnel illusionnisme spatial du tableau, au profit d’une mise en avant de la surface, organisée en lignes et couleurs.
LA PEINTURE SUISSE ENTRE RÉALISME ET IDÉAL, 1848-1906, jusqu’au 13 septembre, Musée Rath, 4 place Neuve, Genève, tél. 41 22 418 33 40, tlj sauf lundi 10h-17h, mercredi 12h-21h, entrée 10 FS, catalogue 228 p., 48 FS.
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Les sommets de l’art suisse
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°62 du 5 juin 1998, avec le titre suivant : Les sommets de l’art suisse