Le Musée de la Vie romantique, à Paris, retrace les liens de cette famille avec la création de son temps.
PARIS - Au cœur de la Nouvelle Athènes, le cadre intimiste du Musée de la Vie romantique « semble à l’évidence bienvenu pour évoquer une saga de la bourgeoisie parisienne au temps des impressionnistes », annonce Daniel Marchesseau, directeur du musée, dans le catalogue de l’exposition « La famille Rouart ». Mais, à la complexité de la lignée des Rouart, dont on suit les membres les plus illustres à travers trois générations, répond un accrochage compliqué mêlant les œuvres peintes par la famille, celles collectionnées par cette dernière et d’autres encore, réalisées dans son entourage immédiat. Au point qu’il est parfois difficile de s’y retrouver. En outre, le fait de proposer l’arbre généalogique des Rouart à la fin du parcours ne facilite pas la tâche du visiteur…
La « saga » commence avec Henri Rouart (1833-1912), brillant inventeur, riche industriel, mécène généreux envers les impressionnistes (avec lesquels il exposa) et artiste non dénué de talent. Élève de Corot et de Millet, il peignit essentiellement des paysages de plein air à la composition solidement structurée et des portraits familiaux représentant sa femme (Hélène Jacob-Desmalter, petite-fille du grand ébéniste de Napoléon Ier) et ses enfants dans ses propriétés bucoliques de la Queue-en-Brie (Val-de-Marne) et de Melun (Seine-et-Marne). Mais, à l’instar de son ami d’enfance le peintre Edgar Degas, Henri Rouart fut un collectionneur avisé. De goût éclectique, il acheta des tableaux anciens (des toiles de Vélasquez, Le Greco, Fragonard ou Chardin, non présentées ici) comme des œuvres modernes, privilégiant toutefois nettement ces dernières dans ses acquisitions. Dans ce domaine, sa préférence allait à ses maîtres ainsi qu’à Courbet, Daumier ou Delacroix. Dispersée en 1912, sa collection comptait ainsi 56 œuvres de Corot, parmi lesquelles des joyaux comme Les Jardins de la villa d’Este (1843) et la Jeune femme à la robe rose (1854), 70 dessins de Delacroix et 61 de Millet. L’exposition en montre une sélection, comme la petite Paysanne assise au pied d’une meule (1851-1852), croquée au crayon noir par Millet, ou la Juive d’Alger (1832), exécutée à l’aquarelle par Delacroix.
Cet engouement pour l’art marqua à son tour Ernest Rouart (1874-1942). Troisième fils d’Henri et futur mari de Julie Manet (elle-même fille de Berthe Morisot et du frère d’Édouard Manet, Eugène), il fut le seul et unique élève de Degas. Ses études de nu au pastel témoignent de la forte influence exercée par ce dernier.
Non loin des œuvres d’Ernest prennent place des tableaux de son épouse, paysages et scènes intimistes de sensibilité impressionniste, et des compositions des proches de la famille : Paul Valéry (l’écrivain épousa la cousine de Julie Manet, et sa fille devint la femme d’un petit-fils d’Henri Rouart), qui s’essaya à la peinture sur les conseils de son ami Ernest Rouart, le peintre intimiste Henry Lerolle – dont les filles épousèrent deux des fils Rouart (Eugène et Louis) –, ou encore Renoir, ami des Lerolle et par la même occasion des Rouart (Yvonne et Christine Lerolle au piano, 1897). Dernier artiste du clan, Augustin (1907-1997), petit-fils d’Henri, clôt cette incursion dans l’univers des Rouart. Encore tournées vers le XIXe, ses œuvres témoignent de la pérennité de l’héritage familial.
Jusqu’au 13 juin, Musée de la Vie romantique, 16 rue Chaptal, 75009 Paris, tél. 01 55 31 95 67, tlj sauf lundi et jours fériés, 10h-18h. Catalogue, éditions Paris Musées, 195 p., 30 euros.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Les Rouart et l’art
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°188 du 5 mars 2004, avec le titre suivant : Les Rouart et l’art