Le Musée du Petit Palais, à Paris, accueille les trésors inaccessibles de la « sainte montagne ».
PARIS - La civilisation byzantine apparaît en France sous un nouveau jour : l’exposition « Le mont Athos et l’Empire byzantin » en présente, au Musée du Petit Palais, à Paris, la longue tradition culturelle à travers l’histoire singulière de la « sainte montagne ». En fondant, à la demande de l’empereur Nicéphore II Phocas, le monastère de la Grande Lavra sur ce relief montagneux bordé par la mer Égée, le moine Athanase augure un avenir rayonnant au lieu saint et à son monachisme cénobite. Les grandes dynasties macédonienne, comnène et paléologue sont évoquées dans l’exposition à travers un nombre important d’objets. Manuscrits, suaires, icônes témoignent ainsi des liens entre les empereurs et la communauté monastique. La focale resserrée sur le monachisme offre une vision d’ensemble inédite du vaste empire, marqué par des bouleversements historiques : les croisades des Latins, les menaces de l’Empire ottoman, la montée en puissance des royaumes slaves voisins. Dans une histoire en perpétuelle mutation, la sainte montagne offre un exemple de continuité et témoigne aujourd’hui d’une tradition encore vivante.
Comment appréhender l’étendue de l’empire glorieux dans des contours réduits à la péninsule de la Chalcidique ? « Nous avons privilégié la dimension historique », explique Raphaëlle Ziadé, co-commissaire de l’exposition. Condenser les explications sur les multiples fonctions – liturgiques, dogmatiques, stylistiques ou techniques – auxquelles réfèrent les calices, les iconostases, les enkolpia (médaillons ou croix-reliquaires) et les manuscrits permet de se concentrer sur les objets en eux-mêmes et de souligner le caractère d’exception qu’il y a à accueillir ces œuvres en France. Seulement deux expositions ont été consacrées au mont Athos auparavant. La dernière, qui a eu lieu à Helsinki (Finlande) en 2006, ne montrait que la période post-byzantine. Et, « par rapport à l’exposition de Thessalonique [en 1997], nous présentons soixante pièces de plus. L’ensemble de ces collections n’était jamais sorti de Grèce », précise la commissaire. Une première d’autant plus notable qu’« un règlement historique [abaton] en interdit strictement l’accès aux femmes. Même les hommes munis d’un visa ne peuvent voir ces objets puisque ceux-ci sont enfermés dans les monastères ».
Le choix des matériaux
L’enjeu de la manifestation parisienne consistait dès lors à rendre compte du lieu, à « habiller » par la scénographie ces richesses. Objectif réussi. La grande maquette exposée à l’entrée, les photographies en vue aérienne, en vue d’ensemble ou de détail, la « reconstitution » d’un katholikon (église centrale d’un monastère) rendent compte de l’âme du lieu saint. Les actes et les dons impériaux sont présentés à travers une série de textes manuscrits : typikon (réglementation), chrysobulles (documents impériaux) illustrent les liens exclusifs tissés entre la capitale et le mont Athos. Si les adeptes du grec ancien s’émerveilleront devant ces pièces, chacun pourra observer les signatures des empereurs qui constituent une véritable collection d’autographes. À la crise iconoclaste succède un renouveau des images dont témoigne le psautier Pantocrator 61, véritable joyau, tout comme l’évangéliaire (Codex 16) plus tardif du monastère de Vatopédi, intéressant eu égard à ses qualités picturales et surtout à son parfait état de conservation. « La signature des empereurs apparaît dans le choix des matériaux. » C’est plus encore le cas dans la seconde partie de l’exposition qui s’attache aux objets. Les riches matériaux du « Jaspe », calice d’empereur paléologue et la finesse d’exécution des micromosaïques sont la marque d’un empire brillant et du rayonnement du mont Athos. Les œuvres plus tardives des XVIe et XVIIe siècles démontrent quant à elles qu’une certaine indépendance était entretenue avec les Ottomans. Indépendance qu’il préserve encore aujourd’hui vis-à-vis de l’État grec puisque, intégré à son territoire, il n’en possède pas moins une constitution particulière. Son règlement historique y est toujours en vigueur. Focalisation singulière d’une grande civilisation, « le mont Athos est un exemple unique ; il reste, avec sa montagne et ses vingt monastères, sans équivalent et constitue un véritable musée d’art byzantin », conclut Raphaëlle Ziadé.
LE MONT ATHOS ET L’EMPIRE BYZANTIN. TRÉSORS DE LA SAINTE MONTAGNE, jusqu’au 5 juillet, Petit Palais, Musée des beaux-arts de la Ville de Paris, av. Winston-Churchill, 75008 Paris, tél. 01 53 43 40 00, tlj sauf lundi 19h-18h. Catalogue, éd. Paris-Musées, 318 p., 48 euros, ISBN 978-2-7596-0082-3.
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Les richesses cachées du mont Athos
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°303 du 16 mai 2009, avec le titre suivant : Les richesses cachées du mont Athos