Quelle meilleure arme que l’art et l’humour ? En 1964, constatant que son recueil de poèmes, Pense-bête, se vend mal, Marcel Broodthaers décide de couler les invendus dans du plâtre et de les exposer à la Galerie Saint-Laurent, à Bruxelles : « Moi aussi, je me suis demandé si je ne pouvais pas vendre quelque chose et réussir dans la vie.
Cela fait un moment déjà que je ne suis bon à rien. Je suis âgé de 40 ans… L’idée, enfin, d’inventer quelque chose d’insincère me traversa l’esprit et je me mis aussitôt au travail », explique-t-il. Ce poète belge encore méconnu, qui sera plus tard exposé au MoMA à New York, à la Monnaie de Paris et, actuellement, à la Fondation Wiels à Bruxelles, devient artiste plasticien. En 1968, cet admirateur de Magritte entreprend de créer des plaques en plastique, qu’il considère comme des « poèmes industriels ». Composées de lettres et de mots en relief, de signes de ponctuation ou d’éléments graphiques aux allures de rébus ou d’énigmes, ces plaques thermoformées inspirées par les panneaux de rues tiennent aussi bien de la poésie expérimentale que du tableau dada. Les voici pour la première fois réunies et exposées ensemble, accompagnées même d’un catalogue raisonné. On s’étonne, on s’amuse, et l’on se plaît à constater que ces éditions de sept présentent entre elles des variations, qui font de chacun de ces multiples… une œuvre unique. Un pied de nez de celui qui, dans l’enthousiasme de Mai 68, voulait mener une révolution sociétale, mais aussi remettre en question l’autorité institutionnelle du musée et jouer avec le marché ? Sans doute. La poésie et l’humour de ces plaques sont particulièrement irrésistibles dans celles qui évoquent la création du Musée d’art moderne, département des Aigles, ouvert par Marcel Broodthaers dans sa maison-atelier : il en fut le directeur, l’artiste et le visiteur presque solitaire. Les œuvres qu’il y exposait ? Des cartes postales, ou des caisses pour transporter des œuvres d’art, vides. Même les plaques signalétiques qu’il s’amusa à créer pour (dés)orienter les rares visiteurs de son musée n’y étaient pas accrochées !
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Les poèmes industriels de Broodthaers
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°748 du 1 novembre 2021, avec le titre suivant : Les poèmes industriels de Broodthaers