Patrimoine

Moyen Âge

Les pleurants du tombeau de Jean sans Peur

Cortège de pierre

Par Suzanne Lemardelé · Le Journal des Arts

Le 23 avril 2013 - 548 mots

Ayant voyagé en Europe et aux États-Unis, les pleurants du tombeau de Jean sans Peur font une dernière halte au Musée de Cluny, à Paris, avant de réintégrer le Musée de Dijon.

Les tombeaux de Jean Sans Peur et de Philippe le Hardi dans le palais des ducs de Bourgogne, à Dijon
Les tombeaux de Jean Sans Peur et de Philippe le Hardi dans le palais des ducs de Bourgogne, à Dijon

PARIS - Leur long voyage touche à sa fin. Depuis 2010, les pleurants du tombeau de Jean sans Peur (1371-1419), duc de Bourgogne, ont sillonné le globe, poussés sur les routes par les travaux de rénovation du Musée des beaux-arts de Dijon. Leur tournée a commencé aux États-Unis, où ils ont été accueillis dans sept musées dont le Metropolitan Museum of Art, à New York. Elle s’est poursuivie en Europe, à l’hôpital Saint-Jean de Bruges et au Bode-Museum à Berlin. Pour leur dernière halte avant leur retour en Bourgogne, les trente-neuf statuettes d’albâtre occupent l’une des salles du Musée national du Moyen Âge, à Paris. Elles y défilent en procession, sur une rampe ascendante qui fait le tour du petit espace d’exposition et semblent inviter le spectateur à marcher à leurs côtés. Dans ce cortège funéraire ainsi reconstitué figurent divers représentants de la société du XVe siècle : chartreux, évêque, diacre, enfants de chœur et parents du duc progressent ensemble, pleurant le défunt et priant pour son salut. Cette scénographie inédite permet, selon le commissaire, « une approche émotionnelle des sculptures ». « Bruges avait choisi une confrontation avec l’art contemporain, Berlin une évocation du tombeau. À Cluny, nous avons souhaité une mise en scène qui permet à la fois d’embrasser le cortège au complet et d’accompagner individuellement chaque pleurant », explique Damien Berné.

Expressivité des visages
Libérés des arcatures du tombeau pour lequel ils ont été sculptés, exposés à hauteur de regard, les pleurants offrent au public tous les détails de leurs costumes comme de leurs visages. La blancheur de l’albâtre contraste avec les murs sombres, mettant en valeur les plis compliqués des drapés. Les visages, parfois entièrement cachés sous la capuche d’un long manteau de deuil, frappent par leur expressivité. Chaque membre du cortège manifeste à sa manière sa réaction face à la mort : l’un réconforte un proche, un autre essuie pudiquement une larme, tandis qu’un troisième se bouche plus prosaïquement le nez.

C’est ce traitement si vivant des figures qui séduit Philippe le Bon en 1443, lorsqu’il commande un tombeau pour son père au sculpteur Jean (Juan) de La Huerta. Le modèle est celui de son grand-père, Philippe le Hardi. Pour la première fois, le cortège de pleurants n’y était plus sculpté en bas relief mais en trois dimensions, permettant aux personnages de circuler librement autour du monument. Celui de Jean sans Peur n’est achevé qu’en 1469, par un second sculpteur, Antoine Le Moiturier. Depuis leur transfert au Musée des beaux-arts au XIXe siècle, la plupart des pleurants n’avaient jamais quitté Dijon. Parvenus aujourd’hui au terme de leur voyage, ils retrouveront en septembre prochain ses salles nouvellement rénovées (lire le JdA no 388, 29 mars 2013) et reprendront, autour du tombeau, leur éternelle marche de deuil.

Larmes d’albâtre

Commissariat : Damien Berné, conservateur du patrimoine
Nombre d’œuvres : 39

Larmes d’albâtre

Jusqu’au 3 juin, Musée de Cluny, 6, place Paul-Painlevé, 75005 Paris, tél. 01 53 73 78 16, www.musee-moyenage.fr, tlj sauf mardi 9h15-17h45. Catalogue, éd. Lannoo, Tielt (Belgique), 128 p., 29,99 €.

Titre original de l'article du Jda : "Cortège de pierre"

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°390 du 26 avril 2013, avec le titre suivant : Les pleurants du tombeau de Jean sans Peur

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