Manquant de chefs-d’œuvre, l’exposition du Musée du Luxembourg, à Paris, laisse le visiteur sur sa faim.
PARIS - Pour apprécier l’art des Lippi, Filippo (1406-1469) et Filippino (1457-1504), il faut se rendre à Florence, à la Galerie des Offices bien sûr, mais aussi au palais Pitti et, non loin, à Prato, où Filippo fut chargé en 1452 de décorer à fresque le chœur de la chapelle de la cathédrale. En dehors de l’Italie, on trouve encore des chefs-d’œuvre au Louvre – le musée parisien possède La Vierge et l’Enfant entourés d’anges de Filippo –, à la National Gallery de Londres, à Budapest, au Metropolitan Museum of Art à New York, et enfin à Berlin, où sont conservés de très beaux portraits. Dans de nombreux endroits, donc, mais pas au Musée du Luxembourg, à Paris, dont le titre prometteur de la manifestation est trompeur. Les œuvres ici présentées ne donnent en effet qu’un pâle reflet de l’art intense et particulièrement expressif de Filippo Lippi, dont les amours avec une religieuse du couvent de S. Margherita, Lucrezia Buti, ont fait trembler l’Italie de la Renaissance. De cette union scandaleuse est née un fils, Filippino, qui embrassa lui aussi la carrière de peintre. Sa production est encore plus mal desservie par cette exposition qui, au mieux, évoque la Renaissance à Prato, au pire, présente une série de petits maîtres et de productions médiocres.
Souvent confinée dans l’ombre de Florence, Prato fut un foyer artistique non négligeable, marqué par le passage de Paolo Uccello et de Donatello avant l’arrivée de Filippo Lippi. Un morceau de fresque du premier ici exposé a longtemps posé des problèmes d’attribution ; le deuxième est évoqué par un tabernacle en terre cuite, représentant la Vierge à l’Enfant adorés par deux anges (1415-1420). Quant à Lippi, il exécute à fresque, de 1452 à 1464, les Scènes de la vie de saint Jean-Baptiste et de saint Étienne dans la chapelle Majeure de la cathédrale Santo Stefano de Prato. Restauré entre 2000 et 2007, ce cycle d’une grande beauté est conservé in situ.
Provenant en majorité du Museo Civico de Prato, les œuvres de Filippo Lippi accrochées au Musée du Luxembourg se résument à une Vierge à l’Enfant en mauvais état, une œuvre de jeunesse de qualité moyenne et une Vierge à l’Enfant emmailloté (1445-1450) dont l’attribution et la datation ont donné lieu à de nombreux débats. S’y ajoutent deux petits doubles panneaux sur bois provenant des Offices – des travaux mineurs exécutés pendant les mois d’hiver, au cours desquels le chantier de la fresque était interrompu. Présentés comme le clou de l’exposition, les grands formats de Filippo ne sont pas plus convaincants. La Nativité avec saint Georges et saint Vincent Ferrer (vers 1456), exécutée avec Fra Diamante, est très endommagée par les nettoyages passés. Quant à la Vierge à la ceinture et la Présentation au Temple, ils donnent surtout à voir les traits de pinceaux de Fra Diamante. De Filippino Lippi sont seulement présentées une Mise au tombeau (vers 1470) provenant du Musée de Cherbourg et une Vierge à l’Enfant très moyenne. Pire encore, le parcours laisse planer le doute quant à ce prétendu Autoportrait de Filippino Lippi ; l’œuvre fut exécutée probablement au XVIIe siècle, ce qui est signalé trop discrètement. Aux côtés de Filippino, figurent les œuvres de ses contemporains tels Raffaellino Del Garbo, Lucas Signorelli, des maîtres locaux comme Tommaso Di Piero dit « Trombetto ». Le parcours s’achève sur une note particulièrement pauvre avec Giovanni Maria Butteri. Cette exposition, qui cherche à attirer les foules à l’aide d’une accroche trop prometteuse, ne présentera finalement qu’un seul mérite : mettre en lumière la ville de Prato, qui vaut à elle seule le détour.
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Les petits Lippi de Prato
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°301 du 17 avril 2009, avec le titre suivant : Les petits Lippi de Prato