Comment passe-t-on du dessin griffonné sur les cahiers d’écolier à des tableaux obsessifs en séries, à des sculptures-hantises ? La Halle Saint-Pierre consacre sa grande salle du rez-de-chaussée aux œuvres les plus significatives de l’artiste expressionniste Michel Nedjar. Très loin des conventions admises, Nedjar expose la mort en son récit plutôt que d’en donner les traces ou une improbable reconstitution.
Ses images brûlées à blanc sortent toutes vives des enfers modernes que sont la Shoah ou le Sida. Dans ses sculptures, Nedjar recrée formidablement la puissance brisée de totems en exil. Il voit leurs pouvoirs reconduits par la magie de l’art. Rien de plus somptueux que les peintures sur papier. Pas de plus pauvres matériaux. Cartons alimentaires mis à plat, affichettes cueillies au kiosque à journaux, les premiers supports venus sont les meilleurs. La tendance kraft, outre qu’elle file bien la couleur, bannit le frivole pour aller à l’essentiel. Nedjar veut le geste de la craie comme Valéry voulait le monde : tel quel. Les Poupées présentées ici relèvent de la couture, du modelage, comme d’une histoire personnelle et de sentiments universels. Si les « Chair d’âmes » jouent, c’est d’une profonde interrogation. Les masques aux oiseaux cachent nos certitudes. L’art du styliste transcende la sombre beauté, l’harmonie tient à des réminiscences subtiles et sensuelles. La force de ce travail agit en écho : l’invincible qui foudroie ébranle la sensibilité après coup, mais le trouble esthétique garantit une vigilance neuve.
PARIS, Halle Saint-Pierre, 8 mars-22 avril et galerie du Fleuve, 15 mars-22 avril.
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Les obsessions de Nedjar
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°524 du 1 mars 2001, avec le titre suivant : Les obsessions de Nedjar