Mona Hatoum, qui a abondamment traité des questions sociales, politiques et identitaires, présente à Reims une exposition centrée sur les ustensiles de cuisine, mais dans une logique plastique proche de celle de la sculpture anglaise.
REIMS - En entrant dans la salle du rez-de-chaussée du Frac Champagne-Ardenne, le visiteur est accueilli par une énorme sculpture métallique qui évoque à s’y méprendre un scorpion, avec sa queue dressée droit vers le ciel. Cette œuvre menaçante n’est pourtant pas inspirée par la faune, mais par un monde en apparence moins exotique, celui de nos cuisines. Il s’agit en effet d’une Mouli-Julienne, une râpe à légumes rotative agrandie dix-sept fois et accompagnée de ses accessoires. Plus loin, Mona Hatoum a installé son Slicer, un coupe-œuf assez grand pour pouvoir trancher de ses filins d’acier le corps d’honnêtes gens. On ne connaissait pas cette passion de l’artiste palestinienne, née à Beyrouth et vivant à Londres, pour les tâches ménagères En réalité, comme elle l’a rapporté à Jo Glencross, les ustensiles de cuisine sont pour elle “des objets exotiques, et souvent je ne sais pas à quoi ils servent. J’y réponds comme à de beaux objets. Du fait que j’ai été élevée dans une culture où les femmes doivent apprendre l’art de la cuisine comme partie intégrante du processus de préparation au mariage, j’ai toujours été contre toutes ces choses. Passer du temps dans la cuisine est une chose contre laquelle j’ai toujours résisté, de même qu’apprendre à taper à la machine par exemple”. Aussi, cette appropriation des ustensiles de cuisine – passoires, couteaux, bouteilles, Moulinettes – répond-elle à plusieurs considérations : son intérêt pour la condition de la femme et une certaine forme de contextualisation des œuvres par rapport à une réalité sociale et économique, puisque l’exposition a été précédemment montrée à Thiers, haut lieu de la coutellerie. Cependant, quand on l’attendrait plutôt du côté de Videau, un film tout en fluidité, en mouvement et en énergie, mais insaisissable et impalpable, Mona Hatoum nous dévoile des œuvres massives qui semblent directement s’inscrire dans la tradition de la sculpture anglaise. La dimension n’est d’ailleurs pas en cause, l’installation de bouteilles Cercle vicieux pourrait nous renvoyer à Cragg. Alors que l’exposition rémoise ira ensuite au Muhka d’Anvers, la Tate Gallery accueillera à Londres, à partir du 24 mars, d’autres œuvres de l’artiste, mais dans une même logique : à côté d’une Mouli-Julienne agrandie vingt et une fois et d’une grande carte au sol, Mona Hatoum proposera une autre version de Sous-tension, une installation réunissant accessoires de cuisine, lampes et sons.
- MONA HATOUM, jusqu’au 26 mars, Frac Champagne-Ardenne, 1 place Museux, 51100 Reims, tél. 03 26 05 78 32, tlj sauf lundi 14h-18h ; Tate Gallery, 24 mars-23 juillet, Tate Britain in the Duveen Galleries, Millbank, Londres, tél. 44 171 887 8000, tlj 10h-17h50.
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Les nouveaux atouts d’Hatoum
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°101 du 17 mars 2000, avec le titre suivant : Les nouveaux atouts d’Hatoum