Que peint exactement Yvan Salomone et d’où provient l’étrangeté subtile de sa peinture ? Depuis presque dix ans, l’artiste s’astreint à une discipline particulière : peindre un tableau par semaine, toujours du même format (104 x 145 cm), avec le même médium (l’aquarelle) et toujours présenté sous verre dans un cadre épais en bois naturel. Une sorte de journal en somme, mais plutôt un journal de bord, puisque son « iconographie » est celle des sites portuaires. Ces vues sont totalement dépourvues de pittoresque et d’exotisme, elles ne relèvent pas non plus du précisionnisme d’un Charles Demuth. On songerait plutôt à certains photographes contemporains des zones industrielles ou périurbaines, mais il n’y a ici nul souci d’inventaire ni d’objectivité. Le choix de la peinture, et plus précisément de l’aquarelle, constitue déjà une singularité troublante. D’autant que l’artiste joue amplement de ses propriétés : l’aquarelle bave, coule, fait des auréoles, se diffuse. À bien y regarder, on remarque aussi certaines formes « clandestines » glissées ici et là, sans rapport avec la perspective. Tout ce passe comme si l’image ne montrait pas ce qu’elle montre, mais tout autre chose. Nul doute que l’inconscient se joue ici des apparences et déjoue le discours logique, en opérant des écarts qui rendent l’image douteuse. Et ce sont justement ses faux-airs qui rendent cette peinture intéressante. La réalité, l’évocation de ces no man’s land que sont les ports, ne semblent être convoqués qu’en tant qu’éléments d’une fiction, métaphores, comme chez l’écrivain Joseph Conrad, que Salomone aime à citer, d’un autre monde plus secret.
GENÈVE, Musée d’Art moderne et contemporain, jusqu’au 17 septembre.
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Les No man’s land d’Yvan Salomone
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°519 du 1 septembre 2000, avec le titre suivant : Les No man’s land d’Yvan Salomone