La Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, lève le voile sur le mystère
de l’atmosphère des tableaux de l’Américain Edward Hopper.
LAUSANNE - En 1909, Edward Hopper (1882-1967) peint un étrange tableau, Le Bistro ou The Wine Shop (New York, Whitney Museum of American Art) qui, à lui seul, pourrait résumer la démonstration, prodiguée avec brio par l’exposition de la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne. Reléguée dans l’angle inférieur gauche de la toile, la scène principale, figurant un couple attablé sur une terrasse de café, s’efface derrière la luminosité froide d’un paysage urbain parisien vidé de sa foule et de ses édifices. La ville s’y résume à un long quai bordé par les arches d’un pont (le Pont-Neuf ?) planté de quatre cyprès incongrus. Comment interpréter cette petite toile ? Pour Carter Foster, commissaire de l’exposition consacrée au peintre – dépêché à Lausanne par le Withney Museum of American Art de New York qui coorganise l’événement –, cette œuvre de jeunesse illustre déjà la méthode de l’artiste. Peint a posteriori après un séjour parisien, le tableau est une « suggestion mentale ». Après avoir effectué un long travail préparatoire de croquis ou d’aquarelles, le peintre épure sa composition finale, peinte de mémoire. Hopper cisèle ainsi ses scènes en étant capable de s’abstraire de certains détails superflus pour les avoir auparavant parfaitement analysés. D’où l’atmosphère étrange de ces peintures à l’huile pourtant très réalistes. « Représenter les choses trop spécifiquement ne laisserait pas la liberté au spectateur de susciter sa propre mémoire et sa propre subjectivité pour interpréter les scènes », explique Carter Foster.
Simple en apparence
Le prêt de nombreux dessins – autant de feuilles jamais conçues comme des œuvres achevées – provenant du Whitney Museum, détenteur d’un très riche fonds grâce à la générosité de la veuve de l’artiste, permet ainsi de comprendre ce processus créatif. Organisée de manière chronologique et thématique, l’exposition ne tait pas les périodes moins glorieuses du peintre. Connu d’abord pour ses gravures, Hopper commence, grâce à ce médium, à explorer les sujets qui feront son succès de peintre classique : les paysages, fussent-ils urbains, les scènes de genre, fussent-elles d’intérieurs de cafés ou d’appartements populaires. Avec une constance : un réalisme appuyé, alors que ses contemporains ont navigué du cubisme au pop art en passant par l’abstraction, et des scènes empreintes d’un étrange silence. En explicitant la genèse de la création d’un artiste qui a peu glosé sur son travail, l’exposition dévoile une partie du mystère Hopper, peintre plus complexe que ne le laissent supposer ces images facilement intelligibles, qui ont fait le plaisir des éditeurs de produits dérivés.
EDWARD HOPPER, jusqu’au 17 octobre, Fondation de l’Hermitage, 2, route du Signal, Lausanne, www.fondation-hermitage.ch, tlj sauf lundi 10h-18h, jeudi 10h-21h.
Catalogue, coéd. Skira et Fondation de l’Hermitage, 280 p., 250 ill., 42 euros
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Les mystères de Hopper
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Abonnez-vous dès 1 €Commissaire : Carter Foster, conservateur des dessins au Whitney Museum of American Art à New York
Nombre d’œuvres : plus de 160
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°330 du 10 septembre 2010, avec le titre suivant : Les mystères de Hopper